Le contexte actuel de réduction des déficits nécessite probablement de réaliser des économies. Mais faut-il vraiment que ces dernières s’effectuent aux dépens d’un bien public primordial tel que la santé ?  

Le contexte actuel de réduction des déficits nécessite probablement de réaliser des économies. Mais faut-il vraiment que ces dernières s’effectuent aux dépens d’un bien public primordial tel que la santé ?

La double peine

Les temps sont durs pour les mutuelles ; ils le deviendront aussi bientôt pour leurs assurés sociaux qui cotisent afin de percevoir, en cas de problème de santé, les remboursements des complémentaires santé. Souvenons-nous que l’an dernier, dans un contexte d’effervescence autour de l’attente d’une réforme d’envergure de la prise en charge de la dépendance, les mutuelles d’assurance militaient pour un abaissement de la fiscalité de la complémentaire santé. L’objectif principal des mutuelles d’assurance, représentées par le GEMA (Groupement des Entreprises et Mutuelles d’Assurance), était ainsi d’inclure la dépendance dans la complémentaire santé (ce qui aurait mécaniquement fait augmenter son coût déjà élevé   pour une majorité de Français) afin d’obtenir une baisse équivalente de la fiscalité de sorte que le coût de la complémentaire reste stable : « cette perspective devrait induire que non seulement l’État cesse d’accroître la fiscalité de la complémentaire santé mais même qu’il la ramène à zéro, pour atténuer le coût de l’inclusion de la dépendance »    disait le GEMA en fin d’année dernière. Ainsi, dans un premier temps, il s’agissait d’obtenir un assouplissement fiscal (général) de l’assurance santé grâce au passager clandestin (particulier) « la garantie dépendance » ; dans un second temps, l’effet ricochet aurait été celui d’une optimisation du marché des contrats santé que la fiscalité allégée aurait rendue moins onéreux   , soit plus accessibles.

L’objectif des mutuelles était donc double ; leur défaite le fut aussi. Le Premier ministre François Fillon, lors de son discours prononcé le 25 août 2011 et portant sur les mesures de réduction du déficit, a déterré la hache de guerre : d’une part, il renvoie la réforme de la dépendance aux calendes grecques ; d’autre part, il annonce un doublement de la taxe des complémentaires santé (relèvement de 3.5% à 7% de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance sur les contrats de complémentaire santé dits « solidaires et responsables »). Pour les mutuelles, cette fois, la montagne n’accouche pas d’une souris mais… d’un rat ! En effet, comme le groupement des mutuelles d’assurance l’a noté dernièrement : « en taxant la complémentaire santé, le gouvernement coupe l’herbe sous le pied de ceux qui (comme le GEMA) proposaient d’inclure la dépendance dans les contrats santé »   . Bref, il ressort de tout cela que le gouvernement a privilégié la mise en place de mesures court-termistes de rigueur (affaiblissant particulièrement la couverture santé) plutôt qu’une législation sur la dépendance (comprenant notamment l’idée d’un label public qui devait concerner la définition de la dépendance). Notons au passage que ce relèvement du coût de la santé va probablement accroître encore plus la division entre le recours à la médecine préventive pour les uns et celui à la médecine réparatrice pour les autres. On pourrait en venir à se demander si la santé est toujours considérée comme un bien public…


Réduction des indemnités journalières

Dans la même veine, un autre projet gouvernemental récent (une mesure du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2012) concernant la santé mérite qu’on lui prête attention. Il s'agirait pour le gouvernement de réduire le montant des indemnités journalières (IJ) versées par la Sécurité sociale à un salarié lorsqu'il est en arrêt maladie : de 50% du salaire brut, elles descendraient à 60% du net. Il est assez étrange de considérer d'un côté le volet "pénibilité du travail", soit la prise en compte de la dureté du travail pour l'acquisition de droits à la retraite; tandis que de l'autre, on réduit les revenus de remplacement (les indemnités journalières) pour les salariés en arrêt de travail pour (probablement) tenter de les inciter à reprendre le travail au plus tôt. En cas d’adoption de cette mesure, deux cas se présenteront : soit le salarié malade est couvert par un contrat de prévoyance qui devra désormais verser un complément de salaire plus élevé pour compenser la baisse des IJ (ce qui entrainera une hausse des cotisations versées aux mutuelles et donc une baisse du salaire net) ; soit le salarié malade n'est pas couvert par un contrat complémentaire et percevra donc des IJ plus faibles durant son arrêt de travail. Mais surtout le message implicite envoyé c'est que le gouvernement tente de contrôler les « fraudeurs » – vus comme une association anonyme du crime organisé contre la Sécu – en incitant  les malades à reprendre le travail rapidement (au risque de négliger leur santé). Alors qu'il aurait peut-être été plus intéressant de concentrer les efforts pour maximiser la collecte des cotisations plutôt que pour minimiser les prestations.

Bref, ce n’est pas nouveau mais le transfert du risque de financement de la Sécurité sociale vers ses publics les plus précaires se confirme ; par contre, la nouveauté c’est que ce transfert du risque s’effectue indirectement par la taxation des mutuelles qui le répercuteront (directement cette fois-ci) sur leurs assurés.


Pour aller plus loin :
Voir l’article de la Revue internationale de l’économie sociale : « mutuelle santé, taxation, résistance et espoir de reconnaissance » (http://www.recma.org/node/1450)