Au moment où le mouvement des Indignés prend de l’ampleur aux Etats-Unis, touchant des villes de plus en plus nombreuses, de NewYork à Los Angeles en passant par Nashville et Houston, une généalogie de ces soubresauts citoyens s’impose. 

Les manifestations des Indignados commencent le 15 mai 2011 à Madrid autour de deux groupes : Toma la plaza (prenons la place) et Democracia real ya ! (une vraie démocratie maintenant !) Rapidement, ce mouvement citoyen s’institutionnalise en une plateforme rassemblant différentes tendances et associations : le Movimiento 15-M (pour 15 mai). Du 17 mai au 12 juin, la place de la Puerta del Sol est occupée et les manifestants commencent à organiser leurs actions. A partir du 25 mai, un mouvement similaire naît en Grèce, place de Syntagma, en face du parlement, puis en Italie, en France et enfin aux Etats-Unis à partir du 17 septembre. 

Le rapprochement entre ces mouvements spontanés est facile à opérer. Tout d’abord, ces groupes déploient les mêmes moyens d’action publique : des manifestations pacifistes et des sit-in devant des lieux symboliques du pouvoir. Ils s’appuient également sur les nouvelles technologies de l’information ainsi que les réseaux sociaux, pour s’organiser et se faire connaître. D’autre part, les mêmes profils se retrouvent, les Indignés étant majoritairement des jeunes, sans perspective d’emploi immédiat. Enfin, on remarque que ce réveil citoyen s’opère principalement dans les pays fortement touchés par la crise économique de 2008 et dont les taux de chômage, notamment chez les jeunes, ont enregistré des taux record. 

Pour autant, il ne faut pas perdre de vue les différences que présentent ces manifestations, différences occultées par l’emploi générique du terme indigné   . Il est intéressant de rappeler que, selon leurs déclinaisons nationales, ces groupes ne concentrent pas leurs revendications sur les mêmes cibles. Pour les Espagnols, ainsi, le problème est avant tout politique. Les Indignados font part de leur perte de confiance vis-à-vis du personnel politique traditionnel, prisonnier d’une logique électoraliste et incapable de lutter efficacement contre la hausse effarante du chômage des jeunes. Ils dénoncent la fracture qui s’est opérée entre la sphère du pouvoir et celle des citoyens et souhaitent la mise en place de mécanismes de contrôle de l’action publique. Enfin, ils appellent à l’instauration d’une démocratie participative et directe. Il s’agit de sortir la question politique de ses espaces traditionnels, à savoir les partis et les syndicats, et de la rapprocher des citoyens, notamment à travers des assemblées générales locales. Les Aganaktismeni grecs, eux, manifestent principalement contre les plans d’austérité décidés par le gouvernement pour alléger la dette du pays, et se matérialisant notamment par une nouvelle hausse des impôts et des coupes budgétaires. Le mouvement Occupy Wall Street quant à lui, refuse l’ordre imposé par le système financier international, ordre tout puissant et responsable de la destruction du tissu social. Les manifestants entendent permettre une prise de conscience quant à la perversion du système, la croissance ne produisant plus de redistribution des richesses mais creusant au contraire les inégalités. On remarquera que ces différences se déclinent également spatialement, les groupes nationaux n’investissant pas les mêmes espaces symboliques de pouvoir. Ainsi, les Américains occupent Wall Street, capitale mondiale de la finance, quand les Français prennent à nouveau la Bastille.

Il serait alors intéressant de savoir si ces indignés, dans leur diversité, se revendiquent d’une même identité et entendent s’organiser en réseau autour d’actions communes. La manifestation mondiale des Indignés, prévue pour le 15 octobre nous offrira sans doute quelques éléments de réponse 

 
 
 

* Pour aller plus loin :  

- La primaire socialiste et les habits neufs de la démocratie, par Allan Kaval

- Fabrice Rousselot, « A Wall street, l’indignation réussie des Indignés », Libération, 11 octobre 2011 

- Pascal Riché, « Bras de fer entre les indignés grec et la troïka FMI-UE-BCE », Rue 89, 13 juin 2009