L’histoire du livre de poche depuis sa création à la multiplication et banalisations des collections de poche.

Alors qu’à son apparition, beaucoup critiquent ce nouveau mode de lecture, voyant dans son faible coût un moyen de brader la culture, plus aucune maison d’édition d’importance ne peut se permettre aujourd’hui de ne pas avoir sa propre collection de poche, et l’époque où Hachette avait la quasi-hégémonie du marché semble bien éloignée. Le livre de poche devient aujourd’hui un véritable outil commercial et branche économique du secteur du livre et c’est cette évolution majeure, pour comprendre le secteur du livre aujourd’hui, que retrace ce court essai, publié au CEFAL.

L’aventure de ce format commence, en France, selon Isabelle Olivero, de 1830. Les éditeurs connaissent une grave crise du livre et cherchent à sortir le secteur de ce marasme. Ce sont les "pionniers", comme les nomme Jean-Yves Mollier, qui vont trouver une solution à une situation qui semblait inextricable ("le livre est cher et le public restreint, le public est restreint parce que le livre est cher"). Son apparition avec les pionniers comme les éditeurs Gervais Charpentier – et son "format Charpentier" –, Michel Lévy et, bien entendu, Louis Hachette qui publient des ouvrages à 3,50F et de format 18,3x11,5cm. Selon Jean-Yves Mollier, le format tel que nous le connaissons aujourd’hui est issu d’une histoire qui court de 1838 à 1953, date à laquelle Hachette sort le livre de poche "moderne" avec sa collection "Le Livre de Poche".

Se plongeant dans l’étude de collections très spécifiques comme la collection "Que-sais-je?" et la collection "10/18", les auteurs décrivent la lente et progressive entrée du format "poche" dans nos habitudes de lecture et le pourquoi de cette évolution.

En effet, longtemps cantonné à la reprise des plus grands succès littéraires, le poche s’en distingue peu à peu. Ainsi, certains textes inédits ne paraissent qu’en poche mais surtout, son domaine s’étend. Valérie Tesnière, conservateur général des bibliothèques, l’explique dans son texte "La collection ‘Que-sais-je?’". Cette collection naît en 1941 et est issue de la conjonction d’une volonté de vulgarisation scientifique et d’une nécessité économique, puisque l’édition connaît une grave crise. Son directeur, Paul Angoulvent, allie différents éléments pour faire de sa collection un véritable succès: cahier des charges précis, rythme de publication élevé, auteurs spécialistes dans leur domaine et sachant vulgariser pour permettre un lectorat le plus large possible. Le tirage de base est de 5000 exemplaires. Ces faits expliquent, selon Valérie Tesnière, que "de 1945 à 1985, la collection ‘Que sais-je’ règne sans partage dans ce créneau de la vulgarisation rapide, à jour et bien informée [et soit] la première collection de poche non romanesque qui ait connu un succès aussi important".

De même, l’article de Claire Delbart développe la question des collections pour les livres de jeunesses en se posant la question de ce que l’on entend par "poche jeunesse". Car, selon elle, les trois critères qui font d’un livre un livre de poche – petit format; large diffusion; bas prix – ne suffisent pas. Peut-on les distinguer par leur couverture selon qu’elles sont souples ou cartonnées ? Que sont les nouveautés dans le format poche? Quelles sont les positions de l’institution face à la littérature jeunesse... Ici aussi, toutes ces questions permettent de développer la notion de collection pour un secteur tout à fait particulier.

Malgré quelques répétitions, dues aux thèmes des différents articles qui se recoupent, cet ouvrage collectif est un merveilleux outil pour qui veut comprendre, dans son ensemble, l’essor et le développement d’un format qui a véritablement marqué un tournant dans l’histoire de l’édition. Jean-Yves Mollier dirige un ouvrage scientifique d’une rigueur incontestable qui se présente "comme un jeu de clefs" pour pénétrer le monde du livre de poche.