Terra Nova vient de publier une contribution sur les mesures que pourrait prendre la gauche pour renforcer la négociation collective et le dialogue social si elle revenait au pouvoir en 2012, sous la signature d’Henri Rouilleault   . Les mesures préconisées visent à renforcer le dialogue social dans les entreprises, faire évoluer leur gouvernance et conforter la démocratie sociale. Nous nous concentrons sur le premier volet (nous ne nous fixons pas pour objectif de rendre compte ici de la note dans son intégralité), pour lequel il nous semble qu'il faudrait aller plus loin et se préoccuper davantage des conditions d'une action efficace des représentants des salariés si l'on veut avoir quelque chance d'impulser une véritable transformation. 

La note suggère ainsi, pour renforcer le dialogue social dans l'entreprise, parmi les mesures les plus concrètes et les plus simples à mettre en oeuvre qu'elle évoque (une quinzaine en tout pour ce volet) :

- d’étendre le champ de la négociation collective obligatoire, en complément de l’information-consultation des comités d’entreprises, aux orientations en matière de formation et aux restructurations, 

- de permettre aux salariés de continuer de capitaliser leurs droits individuels à la formation (DIF) au-delà de la limite actuelle de 120 heures, 

- d’inciter à la conclusion d’accords sur les salaires, la GPEC, la formation, l’emploi des jeunes et des seniors et la santé au travail et la prévention des risques professionnels, en modulant en fonction le taux d’exonération des cotisations patronales, 

- ou encore d’étendre les possibilités de recours à l’expertise pour en faire bénéficier les organisations syndicales dans le cadre de l’élaboration d’un diagnostic préalable à la négociation ou pour l’évaluation de la mise en oeuvre d’un accord. 

L’extension des droits en question est certainement souhaitable, mais il vaudrait sans doute la peine de s’interroger sur l’efficacité de telles mesures dans la situation actuelle et sur les moyens de renforcer celle-ci.

Les orientations en matière de formation sont soumises à l’avis des comités d’entreprise (et elles le sont précisément en ce moment pour 2012). Or force est de constater que les discussions auxquelles celles-ci donnent lieu sont généralement très pauvres. Les documents préparés pour cette consultation ne permettent pas, le plus souvent, d'en saisir les enjeux et les représentants des salariés ne sont, la plupart du temps, ni outillés ni suffisamment formés pour cela.

On peut regretter que le compteur du DIF soit bloqué à 120 heures, mais il conviendrait également de s’interroger sur la situation assez triste, qui prévaut aujourd’hui, où les entreprises s’emploient, pour en diminuer le coût, à essayer de convaincre leurs salariés d'utiliser leur DIF pour suivre les formations qu’elles proposent dans le cadre du plan de formation, et où les salariés renoncent pour la plupart à exercer leur droit.

Et, tant qu’à faire, il serait peut-être également temps de s’interroger sur le très faible niveau de mise en œuvre des accords qui ont pourtant été signés dans des entreprises (sur la formation, la GPEC ou l'emploi des seniors notamment), là encore faute de méthode (diagnostics trop rapides, actions trop peu ciblées, absence de pilotage et d'évaluation des actions décidées...) et quelquefois de motivation (car les accords sur les rémunérations, l'Artt, voire les restructurations à chaud ne rencontrent pas le même problème).

Quant au recours à l’expertise, dont devraient pouvoir bénéficier les organisations syndicales (et non plus seulement les comités d'entreprise), il ne dépend pas que de l'imperfection du cadre légal : combien en effet ont le réflexe lorsque la direction les convie à une négociation d’expliquer qu’il n’est pas question pour elles d’y aller sans un conseil, ne serait-ce que pour en éclairer les enjeux ? 

Le dialogue social n'est pas qu'une affaire de droit, c'est aussi une affaire de pratique, qui requiert, pour chaque thème qu'il prend en compte, un outillage, aussi simple que possible et orienté vers la transformation effective des situations, et un gros effort de formation des représentants des salariés.

 

Pour aller plus loin sur la question de la négociation collective et de la démocratie sociale :

- le rapport du Conseil d'analyse économique de J. Barthélémy et G. Cette, qui date de début 2010,

- l'essai publié début 2011 par la Fondation Jean Jaurès, sous la signature de Jean-Louis Bianco et alii,

- la récente note du Centre d'analyse stratégique qui traite du domaine plus restreint des obligations et incitations à la négociation collective,

- ou encore, pour comparer, les propositions de l'UMP