* Nonfiction.fr publie chaque mois un article du Japon à l'envers, blog consacré à la société japonaise, à la vie politique et aux mouvements sociaux.

 

 

La dette de l’Etat japonais qui a atteint fin août 210% du PIB est sans doute la plus importante de tous les pays de l’OCDE, et le coût causé par la reconstruction et la gestion de la catastrophe nucléaire risquent de l’aggraver encore. La question consistant à  savoir si le Japon subira à son tour un traitement de choc via une politique de rigueur se pose de plus en plus. Qu’en est-il pour le moment et comment expliquer le calme relatif des marchés concernant cette dette ?

Un faisceau d'éléments laisse penser que le Japon pourrait s’engager dans une politique de rigueur budgétaire. Début juin déjà, le directeur du Fonds monétaire international (FMI) John Lipsky en visite pendant 10 jours dans l’Archipel n’avait pas mâché ses mots en encourageant fermement le gouvernement japonais à tripler la TVA pour « réduire sa dette publique et maintenir la confiance des marchés. »  Une mesure que le gouvernement japonais n’a pas encore prise, en raison de l’impopularité de cette taxe.

Depuis, le pays a vu sa note dégradée à Aa3 par l'agence de notation Moody's, en raison d’inquiétudes sur la capacité de l'Etat japonais à rembourser sa dette sur le long terme. Standard & Poor’s et Fitch lui ont emboîté le pas en attribuant au pays la note AA-.

Le remplacement de KAN Naoto au poste de premier ministre par l'ancien ministre des finances, NODA Yoshihiko, réputé favorable à la mise en place de mesures d'austérités budgétaires, n’augure de fait rien de bon pour le peuple japonais. Lors de sa première conférence de presse, le premier ministre Noda a ainsi affirmé que la réduction de la dette publique serait une des priorités du gouvernement, au côté de la reconstruction ou de le gestion de la crise nucléaire de Fukushima. Cette réduction devrait se faire par une hausse des impôts a ajouté Noda, sans donner toutefois plus de précisions.

Pourtant, le gouvernement japonais, à la différence des autres pays de l’OCDE, avance à pas mesurés sur cette question de la dette publique, malgré son ampleur au Japon. Deux explications à cela. D’abord, d’un point de vue économique, la dette de l’Etat japonais est détenue à plus de 90% par… les épargnants japonais ! Une situation qui a pu être similaires dans d'autres pays avant qu’ils ne fassent le choix d’aller emprunter massivement sur les marchés financiers.

L’autre explication de cette retenue est politique. Le Parti démocrate japonais (PDJ) avait été élu en 2009 sur un programme social, fortement marqué à gauche. Il ne peut donc plus vraiment se permettre d'y revenir dessus. D'autant plus que pour le dire simplement, parmi les nombreuses mesures promises, peu on été appliquées. Le déplacement de la base américaine de Futenma, dans la préfecture d’Okinawa a été un véritable échec pour le premier ministre HATOYAMA Yukio. La promesse de donner le droit de vote aux étrangers a été renvoyée aux calendes grecques. Le projet de rendre les autoroutes gratuites quasiment avorté. Le PDJ est en réalité tiraillé entre plusieurs tendances, certains poussant à la rigueur, d’autres par conviction ou par calcul politique voulant mettre en place des mesures sociales.

 

Mathieu Gaulène