82% des Français se disent inquiets de la dette et l’état des finances publiques   .
Entre la crise de la Grèce, la dévaluation de la note des Etats-Unis par Standard and Poor’s, la vraie-fausse faillite de la Société Générale et la fameuse règle d’or, l’actualité économique mondiale est chargée. Les Français se familiarisent petit à petit avec des concepts obscurs, des agences de notation aux spéculations bancaires sur les dettes publiques. Les chiffres sont intimidants, le problème complexe, les experts se disputent les diagnostics et les solutions selon les clivages idéologiques habituels.
Dans cette période de pré-campagne électorale, les socialistes sont confrontés à une double difficulté : trouver des solutions en adéquation avec leur ligne politique économique fondée sur la solidarité et le partage des richesses, et se démarquer les uns des autres tout en affichant ostensiblement leur unité.

Les impôts

Une unité déjà mise à mal par Manuel Valls, qui a déclaré : " Dire que les impôts ne vont pas augmenter, c’est mentir aux Français ".   . Manuel Valls fait ainsi partie de ces candidats à la primaire qui, comme le dit Ségolène Royal sur TF1 le 20 août, promettent "du sang et des larmes". Il faut faire sérieux, et donner dans la rigueur pour rassurer les Français. Martine Aubry propose ainsi une "profonde réforme de la fiscalité", en promettant avant tout de supprimer les niches fiscales mises en place par les gouvernements Fillon, espérant annuler 50 milliards de dépenses fiscales. François Hollande promet lui aussi une refonte totale du système d’impôts, en abaissant de moitié l’impôt sur les sociétés pour les très petites entreprises et en fusionnant l’impôt sur le revenu et la CSG.
Arnaud Montebourg, lui, entend tabler sur les emprunts obligatoires : une solution mise en place à la sortie de la crise en 1929, qui fonctionnerait "mieux que les impôts parce que les prêteurs sont remboursés et que l’Etat fixe le taux"   . Le député de Saône-et-Loire se dit en revanche favorable aux impôts sur les transactions financières, les profits des banques et les entreprises transnationales.
La candidate malheureuse de 2007, Ségolène Royal, s’est tout simplement prononcée contre une augmentation des impôts sur TF1, pour éviter de freiner la croissance, qui sera, selon elle, le moteur de sortie de crise. Elle promet néanmoins comme ses concurrents de revenir sur les niches fiscales créées ces 4 dernières années, et s’est ralliée à l’idée d’une taxe sur les transactions financières au niveau européen.

L’Europe

Car la crise n’est pas une affaire franco-française et ne pourra être endiguée qu’avec une politique européenne volontariste. Si la rencontre entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel a été jugée amplement insuffisante par les socialistes, Jean-Michel Baylet s’est félicité de voir la première pierre d’un gouvernement économique européen posée par les deux chefs d’Etat, bien que ce premier pas reste hésitant. Ségolène Royal et Martine Aubry s’étaient également prononcés en faveur d’un gouvernement de la zone euro. Cette dernière a par ailleurs lancé un appel à la BCE, lui demandant d’intervenir massivement sur le marché de la dette, comme elle l’a fait pour aider l’Irlande et la Grèce.

On le voit, les candidats à la primaire ne sont pas en total désaccord sur les moyens à mettre en œuvre pour sortir ou tenter de sortir de la crise. Une fois de plus, leurs différences relèvent davantage des effets d’annonce et de la communication que véritablement du fond du problème. La création d’une taxe sur les transactions financières a ainsi rallié tout le monde.
Suggérée en 1972 par James Tobin, mais jamais appliquée, cette taxe revient en force dans les débats. Les députés européens ont ainsi voté le 8 mars dernier une résolution demandant la taxation de ces transactions à hauteur de 0,05%, mais aucune suite n’a été donnée. Arnaud Montebourg a évoqué l’idée de créer cette taxe à l’échelle nationale si elle restait inappliquée en Europe, en l’augmentant à hauteur de 0,1%.
Autres points de ralliement des socialistes: la création d’une agence de notation publique européenne, et la condamnation et l’interdiction de spéculation des banques sur les dettes des Etats.

La règle d’Or

Mais là où les candidats se montrent le plus unis, c’est bien dans l’adversité. Devant la politique fiscale et financière de Nicolas Sarkozy, le constat est unanime : le "président-déficit", comme l’appelle Ségolène Royal, a plombé les finances publiques. D’où le refus généralisé à gauche de voter la règle d’or. Pour Arnaud Montebourg, interdire les déficits est "une négation du choix politique", une "machine à se débarrasser de la protection sociale et des services publics"   . Pour François Hollande, il s’agit d’une "manœuvre de Nicolas Sarkozy pour faire oublier sa responsabilité dans la dérive de nos comptes publics depuis 2007"   . L’ancien Premier secrétaire rappelle que cette règle ne pourra être mise en place qu’en 2013, soit après l’élection présidentielle : son adoption aujourd’hui évite donc au président de prendre ses responsabilités dès maintenant, ce que Valls regrette également. Ce dernier a demandé que le gouvernement discute de l’adoption de cette règle d’or avec l’opposition. Si elle était votée, le député-maire souhaiterait qu’elle prenne effet dès le projet de loi de finances pour 2012. Une manière déguisée de se prononcer pour la rigueur tout en gardant ses distances avec une politique jugée unanimement délétère. Et Jean-Michel Baylet d’ajouter, lapidaire : "C’est du foutage de gueule".
Ségolène Royal, magnanime, a proposé son aide à François Fillon, lui suggérant d’adopter une " règle de diamant " pour inscrire le principe de justice fiscale dans la constitution , une " règle d’argent " imposant l’égalité fiscale entre PME et entreprises du CAC40, une "règle de fer" qui interdise les stock options et sur-primes aux traders, et une "règle d’airain" empêchant la spéculation des banques sur les dettes des Etats.

Selon la Cour des comptes, la crise n’explique que 38% du déficit "qui est surtout de nature structurelle et résulte largement de mesures discrétionnaires". En d’autres termes, c’est bien la politique fiscale menée par Nicolas Sarkozy qui a conduit à l’augmentation de la dette. La règle d’or ne s’appliquant qu’au successeur de président actuel, l’opposition massive de la gauche se comprend alors aisément.