Alors qu’un nouveau budget pour sept ans de presque un billion d’euros   vient d’être attribué à la Commission européenne, José Manuel Barroso a proposé fin juin de substituer au mode actuel de financement des institutions européennes par les Etats un système de financement autonome. D’après le président de la Commission, celui-ci pourrait être réalisé par  l’introduction d’une taxe sur les transactions financières et le transfert vers Bruxelles d’une partie de la TVA. "Je m’attends à des débats très difficiles dans les premiers mois", déclarait-il alors : en Allemagne, pays qui fournit 20% de l’ensemble du budget européen, deux journalistes de l’hebdomadaire Die Zeit ont de fait entrepris de lancer la discussion dans deux articles publiés sur le site du journal ce jeudi 7 juillet. 

Pros

Pour Claas Tatje, la formulation de cette demande en pleine crise existentielle de l’Europe, quoiqu’elle puisse à première vue s’apparenter à un "suicide politique", est en réalité une proposition courageuse et nécessaire. En l’état actuel des choses, le financement par les Etats impose en effet à chacun d’entre eux de négocier une redistribution du budget leur permettant de satisfaire à court terme l’égoïsme naturel de leur électorat national. Mettant un terme à ces négociations stérilisantes, un impôt européen permettrait donc à la Commission de devenir un véritable acteur sur la scène européenne et de développer des politiques à moyen et long terme. L’enjeu est donc finalement aussi celui d’une utilisation optimale des ressources publiques, corollaire décisif de la responsabilisation budgétaire de la Commission à l’heure où l’échelle européenne s’impose de plus en plus souvent comme le niveau pertinent pour la réalisation d’aménagements (infrastructures de transport, réseaux de communication, organisation spatiale du travail…) à la hauteur des nouveaux défis rencontrés sur les territoires qui composent le continent. Claas Tatje considère donc que les pays membres de l’UE devraient reconsidérer leur position sur l’éventualité d’une taxe sur les transactions financières (qui aurait aussi l’avantage de réintroduire un peu de justice aux yeux des contribuables lésés par la crise) et sur la possibilité de revoir la répartition du produit de la TVA assortie d’une réduction substantielle du financement par les Etats, contrepartie nécessaire pour ne pas augmenter un prélèvement pesant déjà lourdement sur les économies nationales et particulièrement sur les classes moyennes européennes. De diverses manières, un impôt européen serait donc un pas indispensable et décisif vers plus d’intégration européenne.

Contras

Dans son article jumeau, Kolja Rudzio considère au contraire qu’un tel prélèvement sans accroissement du contrôle démocratique ferait courir un risque à l’approfondissement de l’Union. Comme il le rappelle non sans humour, la guerre d’indépendance américaine aura clairement montré que "pour l’acceptation de l’impôt, la question de savoir comment il est déterminé est déterminante." Dans la mesure où, dans le cas d’une réforme, le financement principal de la Commission viendrait principalement du transfert à Bruxelles d’une part de la TVA, les gouvernements resteraient décideurs en dernière instance. Ils ne cesseraient d’ailleurs pas pour autant de verser d’autres contributions aux institutions européennes. Le partage de la charge financière ne serait donc ni plus juste, ni moins soumis à des négociations régulières entre Etats, le débat visant à savoir quels pays sont les payeurs et quels sont les bénéficiaires ne prendrait pas fin pour autant, tandis que l’Europe serait tenue pour responsable d’une élévation illusoire des prélèvements.

Le projet de la Commission est d’approfondir l’intégration européenne, "de même que le Parlement européen rêverait de se voir investi des droits d’un véritable parlement", et notamment de celui de décider de l’impôt. Or, tant que ce parlement sera aussi peu représentatif de la société des citoyens européens, il sera juste qu’il n’ait pas ce pouvoir, et que la Commission ne se voie pas octroyer de ressources propres. Pour Kolja Rudzio, il importe donc d’agir dans le bon ordre : la démocratisation des institutions doit précéder la réforme de la fiscalité


Pour aller plus loin :

- „EU plant höhere Ausgaben und eigene Steuern“, Zeit Online, 30 juin 2011

- Claas Tatje, „Die EU-Kommission braucht Macht – und Geld!“, Zeit Online, 7 juillet 2011

- Kolja Rudzio, „Die EU hat kein Recht auf eigene Steuern!“, Zeit Online, 7 juillet 2011