"Je veux être mathématicienne, groom dans les restaurants, petit télégraphiste. Et je veux, s’il me plaît, entretenir à l’an cette vieille danseuse qui a tant de talent !" (Thérèse dans Les mamelles de Tirésias – Guillaume Apollinaire & Francis Poulenc).

 

La sociologie de l’éducation a montré que les stéréotypes de genre étaient transmis aux enfants dès leur plus jeune âge par les parents comme par les instituteurs et autres "nounous" : aux filles la douceur, la sensibilité, les poupées, les dînettes et les vêtements roses ; aux garçons la force de caractère, les voitures, les jeux de construction et d’extérieur, et les habits bleus.

 

Bien entendu, une large part de cette transmission est d’ordre inconscient ou du moins est involontaire. Elle est simplement guidée par l’habitude, la tradition, voire la morale, sources de repères tellement rassurants… La société occidentale continue d’attendre des filles et des garçons un certain nombre de comportements normés parce que différenciés.

 

La Suède est connue pour promouvoir les droits des femmes et pour avoir autorisé l’adoption par les couples homosexuels. Dans tout le pays, afin de lutter contre les préjugés, des "pédagogues du genre" conseillent les enseignants dans leur langage et leur comportement vis-à-vis des élèves.

 

Une école maternelle de la banlieue de Stockholm, nommée "Egalia", fait de l’apprentissage des couleurs, du choix des jouets, des ouvrages et des personnages de contes l’objet d’attentions particulières. Point de Cendrillon ni de Belle au bois dormant qui ne vivent (et dorment) que pour attendre le prince - lequel, pendant ce temps-là, lui, parcourt le monde sur son cheval et batifole probablement avec tout un tas de charmantes jeunes filles avant de se "caser" avec la blonde douce et innocente. Dans cette école, les livres laissent aussi une grande place aux modèles familiaux minoritaires, afin de transmettre les valeurs de diversité et de tolérance. Ainsi, une histoire amusante racontée aux petits enfants suédois est celle de deux girafes homosexuelles qui adoptent un bébé crocodile abandonné.

 

Certains arguent d’un risque de confusion des genres (c’est le cas de le dire !) chez les enfants. On peut les rassurer en leur disant que le reste de la société n’en est pas arrivé à une telle remise en question. Même en Suède, semble-t-il. Quant à la France, il n’y a qu’à regarder les publicités à la télévision, où ce sont encore très majoritairement les hommes qui conduisent les voitures (dehors, sous le soleil, avec un sentiment paroxystique de liberté), et les femmes qui nettoient les salles de bain, préparent le goûter des enfants ou bien sont à moitié nues pour la promotion de produits n’ayant, par ailleurs, a priori rien à voir avec la sexualité (que ceux qui ont eu un orgasme en mangeant du chocolat m’écrivent).

 

La différence des sexes comme des genres, en soi, n’est pas un problème. C’est lorsqu’elle est prétexte à l’inégalité que les choses se gâtent. Nos sociétés, de plus en plus compétitives, ont davantage promu les normes dites masculines de force, de combativité, de performance et de refus de l’émotion. Autant de principes inculqués préférablement aux garçons, censés exister avant tout dans la sphère professionnelle et dans l’espace public. Or pour eux, est-ce toujours confortable ? Ou même souhaité ? Loin s’en faut. Les hommes sont aussi (parfois) les victimes des stéréotypes de genre.

 

Dans tous les cas, pour intégrer "Egalia", il y une liste d’attente…