Les techniques pour promouvoir les spectacles lyriques ont profondément évolué depuis 20 ans. Ce petit ouvrage sans prétention, fruit d’un travail universitaire, tente une description de ces évolutions, sans grand recul ni analyse, malheureusement. 

Tout spectateur le sait : les moyens pour se procurer le précieux sésame permettant d’accéder à la salle d’opéra, au poulailler ou au parterre, ont profondément changé en 20 ans. Il n’est pas si loin le temps où il fallait dormir sur place la veille de l’ouverture des guichets de l’opéra de Paris ou appuyer frénétiquement sur la touche bis du téléphone pendant plusieurs dizaines de minutes en espérant avoir la chance d’entendre la voix de l’opératrice pour finaliser sa réservation. Internet, les smartphones, les politiques d’ouverture des théâtres aussi ont changé la donne.

Cristina Bărbulescu a fait de ces politiques un objet d’étude, dans le cadre d’un mémoire universitaire que ce petit ouvrage reprend très largement. Trop largement malheureusement… car outre de nombreuses coquilles qui marquent un travail d’édition peu soigné, l’ouvrage accuse un style scolaire, multipliant les citations sans recul et les schémas didactiques d’intérêt variable. La lecture en devient assez pénible. Dommage car la matière est là.

Le propos de l’auteure, désormais coordonatrice du département communication de l’opéra de Bucarest, est de mettre en relation les données relatives aux publics de quelques théâtres lyriques étudiés et les actions de communication et de marketing qui ont été engagées.

Le point de départ ne surprendra guère, à la fois sur la composition sociologique des salles d’opéra et sur l’âge moyen du spectateur. Ces évolutions sont bien connues, et on aurait pu espérer davantage de précision : il est bien évident que ce qui vaut à Paris ("les deux tiers de la salle sont occupés par des personnes qui ne sont jamais venues à l’opéra et qui ne reviendront jamais" dixit Marie-Pierre Faurite, responsable Marketing à l’ONP) ou à Londres ne vaut pas à Marseille ou à Strasbourg. Dans cette première partie, le texte cherche à embrasser un sujet bien large, depuis les statuts des théâtres analysés sommairement jusqu’à leurs modes de fonctionnement (stagione ou répertoire), en passant par la personnalité des directeurs. On n’est pas loin du plan détaillé universitaire… A noter toutefois un amusant tableau page 29 qui tente de résumer la conception des trois derniers directeurs (et non directeurs généraux…) de l’Opéra de Paris, Hugues R. Gall, Gérard Mortier et Nicolas Joël. Il est même piquant de noter que l’auteur arrive à donner une cohérence à cette succession de personnalités : grâce à Hugues Gall, qui aurait conduit une œuvre d’éducation artistique du grand public, Gérard Mortier aurait ensuite pu proposer des œuvres moins populaires et des créations contemporaines (p. 30). Sè non è vero, è ben trovato

La deuxième partie est plus instructive en ce qu’elle applique à ce paysage sommairement décrit, les grilles d’analyse du marketing, en principe destinées à "traiter" quelques uns des clichés les mieux établis ("spectacle élitiste", "prix des places élevé", "public âgé", "genre ennuyeux"…). L’auteur écarte à juste titre les réserves que l’on peut avoir devant cette importation dans la sphère artistique de techniques forgées dans la vente de produits commerciaux moins "nobles": le marketing sert avant tout à connaître les attentes du public, puis à lui proposer des offres susceptibles de le satisfaire. En somme, le marketing n’est en rien contradictoire a priori avec les missions de service public fixées aux maisons lyriques.

Dans les cibles, Cristina Bărbulescu parvient à la conclusion intéressante que les théâtres ont intérêt à viser en priorité les jeunes de moins de 35 ans qui représentent la part la plus importante des "primo-spectateurs". Inutile de chercher à conquérir des publics plus âgés : s’ils ne sont jamais venus à l’opéra, il est peu probable qu’ils soient disposés à le faire une fois passée la quarantaine. Certaines initiatives originales, comme celle tentée par l’opéra de Zurich qui avait donné La Traviata dans une gare, sont rappelées... mais hélas, l’ouvrage en reste là, sans aucune analyse rétro- ou prospective.

Dans le dernier chapitre, l’auteure dresse, de manière intéressante, un panorama des différentes techniques auxquelles on peut penser (p. 69) pour aller "chercher" le public et promouvoir les spectacles lyriques : promotion du ou des produits, y compris les DVD ou les CD, méthodes de distribution des billets, communication dans ses différents registres, relations avec le public et les partenaires… La description – qui est déjà datée : de nombreuses maisons d’opéras se sont dotées d’applications pour les smartphones ! - sera sans doute utile aux professionnels débutant dans le métier. Mais là encore, on attendrait plus d’analyse : quel est l’impact du partenariat noué par l’Opéra de Paris avec la SNCF ? Quelles sont les retombées de la diffusion des spectacles de Covent-Garden dans des cinémas européens ? Y a-t-il encore un enjeu quant à la diffusion de billets par les comités d’entreprises et autres intermédiaires permettant de toucher de nouveaux publics ? Est-il pertinent d’envisager d’associer davantage le public aux grands choix des maisons d’opéra ? Comment ? A ces questions, on ne trouve pas de réponse et c’est dommage.

A tous ceux qui s’intéressent au fonctionnement interne des opéras, avec un angle comparatiste, on conseillera davantage le dernier ouvrage des Sieurs Agid et Tarondeau, déjà auteurs en 2006 d’un très intéressant Opéra de Paris, Gouverner une grande institution culturelle (Vuibert) : Le management des opéras, Comparaisons internationales, (Descartes et Cie, 2011)