Sous les feux de la rampe depuis que son candidat se démène avec la justice américaine, Pierre Moscovici assume pleinement le devoir qui est le sien : celui de réfléchir, comme les autres membres du Parti socialiste, au meilleur moyen de remporter l’élection présidentielle de 2012. Ni plus, ni moins. En tout cas pour le moment. Car son livre, Défaite Interdite, a parfois quelque allure de programme électoral. Venu en débattre lundi 6 juin à la Cité des Livres, Pierre Moscovici n’a visiblement pas encore pris sa décision.
Alors qu’il était encore en pleine rédaction, la défaite interdite ne semblait "pas impossible, mais improbable". Dominique Strauss-Kahn s’imposait comme le candidat évident, tous les sondages le donnaient gagnant. Pourtant, affirme Moscovici, son livre n’a "pas pris une ride" avec les derniers évènements. Tout juste y manque-t-il un chapitre, "que les socialistes écriront eux-mêmes".
Pour Pierre Moscovici, la gauche a encore le vent en poupe : l’antisarkozysme joue en sa faveur, elle dispose d’un vivier d’élus sans précédent sous la Vème République, et est en train de construire un projet solide.
Solide et indispensable, car l’antisarkozysme ne peut constituer à lui seul un programme. "Les Français ont la mémoire qui flanche", rappelle le député du Doubs : dans quelques mois, les frasques de la Sarkozie seront oubliées. A ce moment-là, il faudra que les socialistes soient unis, non pas contre un homme mais pour un projet. Et Moscovici de ressortir son leitmotiv préféré, implorant ses camarades de sortir des "combats d’égos" freudiens, et de trouver des partenaires autour du Parti socialiste. "Il faut créer une alliance qui ne soit pas un simple échange de circonscriptions" martèle-t-il. Le partenariat est à chercher du côté des écologistes, selon lui. Et Mélenchon ? "Si on propose n’importe quoi, on fera n’importe quoi" répond-il.
Sur l’échec de la République irréprochable de Nicolas Sarkozy, Pierre Moscovici plaide pour que les valeurs républicaines que sont la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité soient remises au cœur des réflexions politiques. "Après quatre ans, aucun de ces piliers n’est intact", affirme-t-il. Le député veut également une République plus décentralisée, dans laquelle le couple région-intercommunalité serait le moteur. Une politique qui respecterait le principe de subsidiarité et permettrait au citoyen de s’exprimer davantage. "Ségolène Royal avait une intuition juste avec la démocratie participative", reconnaît-il.
Pour autant, "décentraliser n’est pas antinomique d’un état fort et impartial" : Pierre Moscovici, répondant à une question sur le cumul des mandats, s’y montre farouchement opposé. Mais soucieux avant tout de gagner l’élection en 2012, il affirme qu’il serait absurde d’appliquer aujourd’hui cette règle uniquement au PS, de façon isolée et unilatérale : "Cette mesure sera prise quand nous serons aux fonctions, pour les élections de 2014".
Rénovation encore, Pierre Moscovici souhaite un renouvellement des élites, à gauche comme à droite. A 54 ans, le député du Doubs est encore considéré comme un "jeune" cadre du PS. Un adjectif qui le fait rire jaune. "Je fais partie des 150 députés les plus jeunes de l’Assemblée Nationale", regrette-t-il. Dans un reproche à peine déguisé à François Hollande, il reprend : "La jeunesse ne doit pas être un thème de campagne. Elle doit avant tout être vue comme la nécessité de renouveler notre parti".
Copieusement interrogé sur l’Europe, l’ancien ministre délégué aux affaires européennes se montre, comme beaucoup, nostalgique du triptyque Kohl/Mitterrand/Delors. "Il y avait les hommes, mais aussi une volonté et un projet". Son bilan des années "roses" de l’Europe est plutôt mitigé. "Nous avons été résistants face au libéralisme, mais pas assez proposants", regrette-t-il. Européaniste convaincu, fervent défenseur du Traité de Lisbonne, Pierre Moscovici est en faveur d’une politique européenne volontariste. "Il faut que nous arrivions aux élections avec un pacte à proposer aux Allemands, un programme de retour à l’équilibre des finances publiques, des propositions pour une politique européenne" reprend-il. Pour lui, les institutions ne sont pas mauvaises. Elles sont simplement mal habitées, et c’est cela qui explique leur "affaissement", et le retour vers l’inter-gouvernementalisme. Et d’égrainer : Ashton ? "Une erreur de casting". Barroso ? "Le plus mauvais président de la Commission". Van Rompuy ? "Un inconnu". Et Sarkozy ? "Narcisse"