Les impasses des politiques publiques sont-elles solubles dans un surcroît de hauteur de vue ? Les innombrables contributions à la réf lexion sur le problème urgent et toujours plus brûlant de l’envolée des prix de l’immobilier suggèrent d’en douter.


Ainsi, dans son numéro de juin, Alternatives Economiques consacre à son tour un article au poids souvent insoutenable que prennent les dépenses immobilières dans les budgets des foyers français. A la question naturellement soulevée par tout observateur de ce phénomène : "Faut-il encadrer les loyers ?" la réponse est sans surprise. En substance : oui, bien sûr. Et d’autant plus sûrement que cela s’est fait "entre 1989 et 1997, avant d’être aboli… par la gauche."


Le programme est clair et bien articulé. Dans la mesure où les régulations existantes limitent déjà la progression des loyers établis par les baux de location et où le rattrapage se fait surtout à la relocation, il "consisterait à soumettre aussi les nouveaux baux à l’indice de référence de loyers" et à mettre en place tout un ensemble de verrouillages visant à empêcher les nouvelles formes attendues de contournement de cette régulation. Reconnaissant la diversité des logiques d’évolution des prix à l’œuvre dans les territoires chers et dans ceux où ils sont bas, l’auteur propose également d’ "édicter, ville par ville, des plafonds de loyer au mètre carré à ne pas dépasser", en vertu d’un principe proche de ce qui se fait en Allemagne. Enfin, la hausse des loyers étant liée à celle des prix à l’achat, on lit qu’il s’agirait aussi de développer les habitations à loyer modéré au moyen d’une planification urbaine contraignante, de mettre en place une fiscalité qui inciterait à la mise en vente des terrains constructibles tout en captant une plus grande part du produit de ces ventes (sic), et de renouer avec une politique active de construction de logements sociaux.


En négatif, cet article est significatif des apories auxquelles se heurtent les plus sonores des propositions de réformes du marché de l’immobilier inspirées par le clivage idéologique traditionnel opposant interventionnisme et dérégulation à la faveur ultime du statu quo. A travers les nombreuses précautions que prône l’auteur, il apparaît d’abord qu’il sera toujours aussi difficile de parer les stratégies de contournement de la régulation. Mais surtout, le thème de la diversité des situations locales vient rappeler que si le phénomène de flambée des prix de l’immobilier est national, la forme qu’il prend en région parisienne – et en quelques autres endroits – est à un tel point exacerbé qu’il en vient à revêtir une nature différente. Dans ce contexte, il ne saurait donc être appréhendé par les recettes traditionnellement appliquées aux maux ponctuels du marché.


A cet égard, l’exemple de l’Allemagne invite plutôt à changer radicalement de perspective : comment même comparer la densité de Berlin (moins de 4 000 hab/km2) ou celle de Cologne (2 500) à celle de Paris (plus de 21 000) ? En région parisienne, donc, à moins de construire dans les Tuileries, c’est en périphérie éloignée qu’il faudra ériger ces logements ; jusqu’à ce qu’une nouvelle saturation impose de repousser encore plus loin la limite de la ville. De telles distances, alors que le transport urbain pose toujours plus de problèmes, laissent peu de raisons d’espérer que ces solutions agissent efficacement sur la pression toujours plus monstrueuse de la demande immobilière sur une capitale internationalement attractive et captant une si grande part de l’activité nationale

 

* Manuel Domergue, "Faut-il encadre les loyers ?", Alternatives Economiques, juin 2011.

 

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