Valérie Legembre vient de terminer une résidence d’artiste en milieu de recherche scientifique. Deux institutions (la Culture et le CEA-Grenoble) se sont donc rencontrées pour lui donner la possibilité de travailler dans un autre cadre que son atelier. Deux pratiques différentes relevant de sphères hétérogènes, celle de l’artiste (son projet, son travail propre) et celle des scientifiques rencontrés dans les laboratoires (contraintes d’entreprise, recherche finalisée), et deux temporalités différentes se sont confrontées durant un an. Mais ce n’est pas sur cela que nous l’avons interrogé. Plutôt sur les interférences envisageables entre Arts et Sciences, puisque l’art peut menacer l’enfermement des pratiques sur elles-mêmes et nous obliger à réfléchir sur les divisions (leur histoire, leur forme, leur remise en question). 

 

Nonfiction.fr- De ton côté, quels soucis te conduisent vers la recherche scientifique ? 

 

Valérie Legembre- J’ai toujours des questions et des interrogations sur les choses de la vie qui bien souvent me dépassent. J’imagine parfois l’humain sur la planète Terre parmi d’autres planètes dans le système solaire… Comment ces éléments tiennent-ils en équilibre ? D’où viennent la lumière et les atomes ? Comment, de la matière inerte, est-on passé au vivant ? Comment tout cela fonctionne, s’organise et interagit. Et puis concernant la terre se posent d’autres questions sur les molécules, l’ADN, le fonctionnement du corps, notre psychisme, l’organisation de l’humain avec lui-même, avec les autres, la nature, les animaux, l’inscription dans la société…

 

Nonfiction.fr- Selon quels modes artistes et scientifiques peuvent-ils se rencontrer ? 

 

Valérie Legembre- N’étant pas scientifique, par rapport à ces questions, je n’ai dans mon bagage que la curiosité, l’envie de comprendre et de découvrir. Et ce désir de savoir me porte vers les sciences. D’autant plus que ma façon d’aborder les choses est différente de celle des scientifiques, mon savoir-faire et mes outils aussi. La science par son vocabulaire (univers chiffonné, ondes évanescentes, château temporaire) stimule mon imagination, elle m’apporte parfois des connaissances, parfois des questions inattendues qui peuvent ouvrir de nouveaux horizons.

 

Nonfiction.fr- Sur quels fondements organiser des rencontres entre artistes et scientifiques ? 

 

Valérie Legembre- En travaillant sur la matière photographie (Peaux-de-photos), j’essaie de questionner le regard et la perception. Mais mon esprit est toujours disponible pour de nouvelles aventures croisées dans lesquelles finalement l’humain resterait au centre du débat (partage – écoute - interaction – observation – pratique manuelle). La différence des outils, instruments et techniques utilisés sans parler des manières de procéder (protocoles) et des manières de conceptualiser sont une source d’enrichissement et  l’idée du détournement, pour s’approprier des "nouveautés" du savoir, peut aussi devenir une façon d’apprendre et de partager." 

 

Où l’on voit que la question centrale des rapports Arts et Sciences est plutôt celle d’un exemple à donner à toute la société, l’exemple d’une possibilité et d’une vivacité nouvelle des dynamiques sociales et politiques, des questionnements et des recherches, obligeant à reconsidérer les rapports entre les professions et les personnes, à déplacer les assignations et à encourager les écarts qui favorisent une reconsidération d’un certain état du commun

 
 

* Propos recueillis par Christian Ruby.