C’est dans la belle salle de réception de la mairie du 12e arrondissement de Paris qu’a eu lieu la soirée de lancement du livre Vie de Meuf, organisée par l’association Osez le féminisme ! ce mercredi 18 mai. De nombreuses militantes s’étaient donc données rendez-vous pour l’occasion, ainsi qu’Audrey Pulvar (journaliste), Marie-Christine Saragosse (TV5 Monde), Brigitte Grésy (enseignante et politicienne) et Maryse Dumas (CGT), réunies le temps d’une table ronde autour de Caroline de Haas, la présidente d’OLF. La soirée fut un vif succès, reflet très certainement de l’engouement qui a précédé le lancement du blog Vie de Meuf, en juillet 2010. Edité chez JBZ & Cie, il est disponible depuis hier en librairie et sur Internet. 

 

Le 13 juillet 2010, jour anniversaire de la première loi sur l’égalité professionnelle de 1983, l’association Osez le Féminisme ! lance un blog calqué sur le site Vie de merde, en version féminine. Il s’agit dans un premier temps de créer un espace d’expression pour les femmes et les hommes qui souhaitent partager leurs expériences sexistes vécues au travail. Lancé avec les moyens du bord, et en pleine période estivale, il suscite un engouement auquel les militantes d’OLF ne s’attendaient pas. Pourtant, un an après son lancement, le blog recense 2 000 posts et 1,2 millions de visites. Face à cette affluence, depuis le 1er janvier dernier, de nouvelles rubriques ont vu le jour : la maternité, les enfants, les tâches ménagères, le travail, les salaires, les jeux, le corps, le sexe, la langue française, les clichés, l’homophobie, etc. Toutes les petites remarques et piques sexistes du quotidien y sont recensées par des femmes et des hommes, souvent avec humour, mais aussi avec colère. 

 

"Apprenons à être intransigeants face au sexisme ordinaire"

 

L’idée de publier un livre est venu assez naturellement après le succès du blog, afin d’attirer un public plus large et différent. Comme le précise Julie Muret, l’une des co-fondatrices du blog, "l’idée n’était pas de créer une compilation des meilleurs posts, mais de créer un outil pratique pour ceux qui nous lisent". Message repris par Caroline de Haas, présidente d’Osez le Féminisme !, qui a animé la table ronde de la soirée. Des personnalités féminines issues de différents milieux ont donc pris la parole pour féliciter la nouvelle génération de militantes dans leur combat, et rappeler qu’il y a encore beaucoup à accomplir. Alors que des lois existent pour traquer et punir les inégalités homme-femme dans la société, la bête noire reste bien le système patriarcal dans lequel nous vivons. Les participantes de la table ronde ont donc appelé à la vigilance, et à l’intransigeance envers tous ces petits signes, remarques, expressions et silences du quotidien qui décrédibilisent le travail des femmes, et créent des douleurs silencieuses. 

 

La soirée organisée par l’association OLF a donc permis de placer la sortie du livre sous de bons augures. Comme nous le dit Lucie Groussin, militante OLF, "la soirée s’est très bien passée et on a eu la chance de recevoir Maryse Dumas, militante féministe syndicaliste, ce qui est une très bonne initiative dans le sens où combats féministe et syndicaliste sont encore peu associés". Même son de cloche du côté de Julie Muret, qui nous confie avoir été agréablement surprise de l’accueil fait au blog : "On s’est vite rendu compte que les gens savaient très bien identifier le sexisme au quotidien, et qu’ils avaient un grand besoin d’en parler". 

 
 

"Petit guide pratique pour réveiller les esprits"

 

Le livre Vie de Meuf, préfacé par la neurobiologiste Catherine Vidal, présente à la soirée de lancement, n’est donc pas un concentré d’anecdotes. Entre les posts, on trouve des encarts explicatifs, des données chiffrées (27% de différence entre les salaires, 80% des tâches ménagères assurées par des les femmes, 83% des temps partiels occupés par des femmes, 18,5% de députées à l’Assemblée nationale) et des conseils juridiques. La diversité des thèmes abordés, qui se retrouvent aussi sur le blog, est un des atouts majeurs du livre. Tout le monde peut se retrouver dans ces anecdotes qui vont du conditionnement le plus basique- une puéricultrice tend un mini fer à repasser à une fille de 2 ans ; "tiens pour faire comme maman"- aux remarques sexistes déplacées et inadmissibles- "un collègue me tend un bonbon des Vosges avec un grand sourire et me dit : "tu suces ?"- en passant par les inégalités professionnelles- "pourquoi on n’entend jamais de femmes commandantes de bord dans les avions ? Parce qu’une voix d’homme, ça rassure". On apprécie particulièrement les ripostes qui tuent, pour se défendre des blagues misogynes de tous les jours :

 

- "Vous allez nous faire le café, comme vous êtes la seule fille…"

 

- "Vous savez, depuis George Clooney, on n’a plus besoin d’être une fille pour savoir faire le café"

 

En lisant ce livre, on se sent d’abord rassurés de voir à quel point nous ne sommes pas les seuls à subir cette réalité, puis on prend peur. Mais on peut aussi être envahi par le désir de se battre, à sa propre échelle, contre toutes ces injustices. Certes, le livre ne vous permettra pas de monter votre dossier pour un recours à la Halde, ce n’est pas son but, mais il vous permettra sûrement d’y penser la prochaine fois que vous constaterez des inégalités de salaires entre vous et vos collègues. Un livre à partager, et à mettre dans les mains de toutes celles et tous ceux qui souhaitent se battre contre le sexisme ordinaire

 
 

A lire aussi : 

 

- L'enquête de nonfiction.fr sur les nouveaux mouvements féministes