"La difficulté à intégrer les jeunes au marché du travail est un problème commun à de nombreux pays". Toutefois, d’après A. Alesina et F. Giavazzi du Corriere della Sera, il se pose avec particulièrement d’acuité en Italie, où l’enjeu principal – mais non unique – est l’avenir de toute une génération.

Chiffres à l’appui, les deux auteurs y constatent pour la tranche des jeunes de 16 à 24 ans des taux d’inactivité largement supérieurs aux moyennes européennes alors que la durée moyenne des études y est considérablement plus courte. Au-delà des Alpes, cette forte inactivité revêt une autre singularité, sa polarisation sur les jeunes, quatre fois plus nombreux que les adultes (25-64 ans) à être sans emploi. S’opposant à certains préjugés, les deux auteurs soulignent que si le problème est plus grave encore dans le Sud que dans le Nord de la péninsule, il s’agit bien d’un problème général, dépendant "de règles et d’institutions nationales, qui excluent les jeunes (du monde du travail) aussi bien à Naples qu’à Turin."

A ces données quantitatives inquiétantes s’ajoutent les perspectives sombres sur l’évolution de la qualité des emplois des jeunes. On observe en effet que depuis un certain nombre d’années déjà, le CDI pour les jeunes se raréfie toujours plus au profit de contrats temporaires, lesquels de surcroît "débouchent rarement sur des contrats à durée indéterminée." Même constat pour les contrats d’apprentissage, de moins en moins souvent transformés en situations pérennes quand la "dualité" du marché du travail permet aux entreprises de contourner la rigidité des rapports induits par le CDI. Or ces évolutions ont de nombreuses conséquences, qui se manifestent aussi bien dans les structures familiales que dans le déploiement des carrières ou dans les capacités d’épargne et de capitalisation de la nouvelle génération.

Publié le 10 mai, l’article d’ A. Alesina et F. Giavazzi fait suite à l’adoption dernière en conseil des ministres du "Texte Unique sur l’apprentissage", qui étend la possibilité d’avoir recours à cette formation après 15 ans révolus, tout en entérinant le droit des entreprises à dénoncer unilatéralement le contrat en fin d’apprentissage. Ce texte mi-figue mi-raisin serait révélateur de la difficulté de nature politique à mettre en œuvre des idées pourtant nombreuses visant à améliorer le sort des jeunes dans un pays à l’électorat âgé et vieillissant. Non pas que les anciens se désintéresseraient de la situation de leurs enfants ; mais "un équilibre s’est créé par lequel les parents s’occupent du bien-être des enfants à travers la famille", se substituant à un système social donnant aux jeunes leur chance de s’autonomiser, et d’assurer la croissance, le dynamisme économique et leur propre avenir.
A ces maux, nous disent les deux auteurs du Corriere della Sera, plusieurs remèdes existent, d’action plus ou moins rapide et qui, pour être efficaces, doivent se démarquer des velléités de réformes à la marge qui ont jusque-là prévalu. Et dans un premier temps, comme certains commentateurs de la politique et de l’économie françaises l’ont proposé récemment dans la revue Commentaire, ils rappellent l’urgence qu’il y aurait à abolir la dualité des contrats de travail pour instaurer "un contrat unique avec des protections et des garanties croissant avec l’ancienneté sur le poste de travail". Une mesure qui, si elle permettrait de faire l’économie de trop de témérité politique, exigerait néanmoins une certaine hauteur de vue. Une autre idée serait de recourir au levier de la fiscalité et de "moduler les taux d’imposition sur le revenu en fonction de l’âge, en abaissant les taux pour les jeunes" – ce qui, au détour, introduirait un facteur de justice sociale au profit de ceux qui commencent tôt à exercer des emplois peu qualifiés. A cette proposition étudiée en commission aux Etats-Unis pourrait d’ailleurs s’ajouter des dégrèvements fiscaux en faveur des entreprises recourant aux jeunes. Cette option, qui n’est pas sans échos en France, devrait être soumise à la mise en place préalable du contrat unique, seul à même de lutter contre la trop forte tentation du CDD dans les entreprises. Au-delà de ces mesures ponctuelles, A. Alesina et F. Giavazzi prônent aussi pour une remise en cause plus profonde de la gérontocratie Italienne, seule à même de débloquer une situation dont l’enjeu final est celui de l’Italie à se représenter un avenir viable et moteur

•    Alberto Alesina et Francesco Giavazzi, "Per aiutare i giovani tagliamo le loro tasse. L'esclusione dei giovani", Corriere della Sera, 10 mai 2011