" Justice has been done". C’est par ces mots que le président américain a commenté la mort d’Oussama Ben Laden, lundi 2 mai.

Le démocrate Barack Obama signe ainsi une grande victoire dans la guerre contre le terrorisme, lancée par son prédécesseur. Une grande victoire contre les Républicains, selon William Mac Gurn, du Wall Street Journal, pour qui le parti conservateur ferait bien de s’accorder sur une "politique étrangère enfin cohérente", et de parler davantage d’affaires internationales dans leurs débats. L’auteur salue la prise d’Obama, une prise de terrain politique, qui prouve que les Démocrates savent prendre les "bonnes décisions au bon moment". Des décisions qui ne sont pas faciles, puisque la mission a été lancée sur le territoire pakistanais sans en avertir les intéressés, et que la résolution de jeter le corps d’Oussama Ben Laden à la mer s’est faite très rapidement. Selon Mac Gurn, Obama a ainsi coupé l’herbe sous les pieds de ses détracteurs, qui lui reprochaient, comme à tout Démocrate, de s’occuper davantage des droits de ses ennemis que de la sécurité de ses concitoyens. Et devient, de fait, "le protecteur des Américains", plus encore que n’importe quel Républicain. 

 

 Pour Sean Willentz du New Republic, la mort de Ben Laden va mettre fin à la paranoïa ambiante aux Etats-Unis, paranoïa qui avait permis la réélection de George W Bush, et rendu le Sénat aux mains des républicains en 2002. Le phénomène n’est guère nouveau. Corey Robin, dans La peur, histoire d’une idée politique (rédigé avant le 11 septembre), rappelle les fondements et les conséquences de l’utilisation de l’inquiétude en politique. La peur est un sentiment sur lequel jouent les dirigeants pour conserver le pouvoir et maintenir l’unité nationale. Mais devant le terrorisme, la peur peut se retourner contre les dirigeants. Paranoïa "nativiste" et relents racistes, le milliardaire américain Donald Trump a répandu la rumeur que Barack Obama mentait sur ses origines, obligeant le président à présenter son certificat de naissance. Des "stupidités", selon les propres dires du président, qui a victorieusement annoncé quelques jours plus tard la mort de Ben Laden. Pour autant, la suspicion n’a pas disparu.

 

Les circonstances troubles dans lesquelles Ben Laden a trouvé la mort alimentent plus qu’elles n’étouffent les théories du complot. De l’intervention des "Navy Seals" décidée dans le plus grand secret du bureau ovale, à la dépouille jetée à la mer, les zones d’ombres sont nombreuses. Les justifications apportées par l’administration américaine ne suffisent pas à calmer les esprits, échaudés par les mensonges de la guerre en Irak et les précédentes théories du complot autour du 11 septembre. Si les Américains avaient décidé de juger Ben Laden, ou de lui procurer une sépulture, cela aurait probablement coupé l’herbe sous les pieds des conspirationnistes, mais fait également courir le risque de voir sa tombe devenir lieu de pèlerinage.

 

Car la mort de Ben Laden ne signe pas la fin du terrorisme : la structure pyramidale et fortement hiérarchisée d’Al Qaïda n’existe plus. La décapitation de l’organisation est donc plus symbolique que stratégique. Mathieu Guidère, spécialiste du terrorisme islamiste, affirme qu’à court terme la nébuleuse terroriste et les branches d’Al Qaïda vont redoubler d’activité. Mais l’organisation mondialement connue est sur le déclin : "elle a perdu la bataille idéologique. Ben Laden a toujours appelé à la violence et à la terreur pour abattre les régimes en place. Or, on constate que c'est l'action populaire et pacifique qui a eu raison de ces régimes", déclare le spécialiste.

 

Pendant plus de 10 ans, Ben Laden a été la figure de l’ennemi public numéro 1, le chantre de " l’Axe du mal", l’homme à abattre. Aujourd’hui, sa disparition brusque et secrète prive l’ensemble de la communauté internationale du cérémonial auquel  elle pensait avoir droit, du jugement auquel elle voulait le soumettre, pour que justice soit vraiment faite