* Dans le cadre du partenariat de nonfiction.fr avec Books, retrouvez une fois par mois sur notre site un article issu du dernier numéro du magazine Books.


Les lecteurs chinois s’enthousiasment pour un genre littéraire nouveau, la "fiction bureaucratique". Où l’on découvre les intrigues et la corruption qui règnent sur la vie politique et administrative du pays.


L’argent, le pouvoir, l’ambition, les intrigues, les manœuvres de la bureaucratie – et même le sexe – pimentent les romans de Wang Xiaofang, passé maître dans l’art d’un genre nouveau, qui fait sensation en Chine, celui de la "fiction bureaucratique". "Depuis le premier volume de la série, “Le directeur du bureau de Pékin”, publié en 2008, jusqu’au quatrième qui vient de paraître, l’engouement pour ses romans ne s’est pas démenti", rapporte le Beijing Times. Au total, ses livres se sont déjà vendus à "trois millions d’exemplaires", note pour sa part le Guardian dans l’article que le quotidien londonien consacre au phénomène.
 
L’auteur, lui-même ancien fonctionnaire, travaillait à la fin des années 1990 comme secrétaire de Ma Xiangdong, le maire adjoint de Shenyang, l’une des plus grandes villes chinoises, quand son patron a été arrêté, puis exécuté, pour corruption. D’abord accusé de complicité mais finalement innocenté, Wang Xiaofang a alors renoncé à toute carrière politique et décidé d’écrire sur le sujet.
 
Au travers d’intrigues bien ficelées, l’ancien bureaucrate dénonce le monde interlope des dirigeants chinois, prêts à troquer leurs principes pour de l’argent ou des maîtresses. Pour Luo Chang Wei, qui tente d’analyser le succès de la série dans les colonnes du Beijing Times, Wang Xiaofang dénonce "l’idée traditionnelle, enracinée dans la conscience populaire, que le pouvoir est aux mains des “bureaucrates”". Il tourne en dérision la vénération dont les Chinois font preuve envers cette bureaucratie à laquelle ils rêvent d’appartenir depuis des siècles, pour pouvoir profiter des prérogatives qui accompagnent dans le pays les hautes fonctions administratives.
 
Dans "Notes d’un fonctionnaire", Wang brode "une histoire de pièges et de contre-pièges, où le protagoniste d’abord intègre est peu à peu manipulé et corrompu, comme une femme qui glisserait vers la prostitution", résume Luo Chang Wei dans le Beijing Times. "Il utilise les souvenirs de ce personnage très ordinaire pour décrire la faiblesse de l’individu face à la puissance du système", conclut l’article. Et si, pour l’universitaire chinois Bai Ye, interrogé par le Guardian, Wang Xiaofang est un meilleur écrivain que la plupart de ses confrères, "on n’achète pas ses romans pour leur qualité littéraire". "Certains les lisent parce qu’ils s’intéressent à l’actualité", explique-t-il, mais la plupart le font "parce qu’ils veulent entrer en politique et espèrent glaner là des tuyaux. Ils y apprennent par exemple quel cadeau offrir à un supérieur ou encore l’art subtil d’interpréter une signature sur un document!"