A l'occasion du partenariat avec le blog THINK TWICE spécialiste de l'actualité des think tanks en France, Nonfiction.fr publie chaque mois un article du blog THINK TWICE. L'auteur de ce blog est Amaury BESSARD, Président fondateur de l'Observatoire français des think tanks

Thierry de Montbrial, directeur de l’Institut français des relations internationales et membre de l’Académie des sciences morales et politiques, a donné sa propre définition du think tank lors d’une séance de l’Académie le 28 février dernier. Vous pouvez réécouter son intervention sur la web radio de L’institut Canal Académie ou relire ses propos sur le site de l’Académie.

Alors, quelle définition Thierry de Montbrial nous donne-t-il des think tanks à travers son expérience et son regard tourné principalement vers les États-Unis ? De manière très pragmatique, et avec raison, TDM distingue très rapidement le think tank du club de réflexion. Il en donne la définition suivante : "j’appelle think tank, toute organisation ouverte construite autour d’un socle permanent de chercheurs, se donnant pour mission d’élaborer sur des bases objectives des idées relatives à la conduite de politiques et de stratégies privées ou publiques s’inscrivant dans une perspective d’intérêt général."

 

Trois critères dominent cette définition :

 

1. Notons qu’il privilégie "l’ouverture" au statut juridique (privé ou public). Le think tank est donc avant tout une organisation ouverte sur la société. Même s’il admet que la sphère publique peut contraindre, il n’écarte pas l’idée de "think tank public". Critère que je partage car il serait absurde en France de se limiter aux structures de droit privé. L’analyse s’en retrouverait fortement appauvrie.

 

2. Sans grande surprise, le critère discriminant de la définition reste la capacité du think tank à organiser ses activités autour d’une équipe de chercheurs permanents. Il insiste d’ailleurs sur ce point en expliquant qu’un vrai think tank "doit reposer sur un socle permanent de chercheurs. [...] des chercheurs dont le travail au sein de l’organisation constitue l’activité principale, et qui peuvent ainsi concevoir et réaliser des projets substantiels avec la collaboration éventuelle de chercheurs associés, c’est-à-dire extérieurs. Pour beaucoup, la réputation internationale d’un think tank repose sur sa capacité à entretenir un tel socle permanent qualitativement solide." Remarquons que la "permanence" n’est pas limitée au salariat.

 

3. L’intérêt général constitue le fondement de la mission des think tanks. Ce critère les distingue de cabinets de consultants ou de certains lobbies dont la vocation principale reste la défense d’intérêts particuliers. Cela ne signifie pas que ces acteurs ne peuvent pas contribuer à l’intérêt général. Ce n’est toutefois pas leur vocation première. Thierry de Montbrial ajoute ainsi que "Les think tanks s’intéressent à des politiques et des stratégies privées (typiquement d’entreprise) ou publiques (typiquement d’Etats ou d’organisations internationales), mais ils ont vocation à toujours se situer dans une perspective d’intérêt général. Quelle que soit sa formulation (par essence multivoque), l’intérêt général ne se laisse jamais réduire à une alliance d’intérêts particuliers."

 

M. de Montbrial conclue son intervention en appelant à un think tank capable d’étudier les think tanks : "Je conclurai mon propos en rêvant à voix haute d’un nouveau think tank, qui aurait pour mission d’observer et de disséquer tous les autres au regard de critères objectifs, tout en les situant dans le mouvement général des marchés des idées." Ce rêve à voix haute, au sein de l’Observatoire français des think tanks, à notre humble niveau et avec les moyens dont nous disposons, nous essayons d’y contribuer.

 

Évidemment, nous nous concentrons davantage sur les think tanks en France car nous pensons qu’il est extrêmement difficile d’analyser avec les mêmes outils d’analyse des acteurs évoluant au sein de systèmes politiques et culturels différents. Pour construire une analyse pérenne et légitime des think tanks, il est indispensable de disposer d’une structure ouverte et indépendante, regroupant des financements publics et privés, coordonnant le travail de chercheurs issus de plusieurs disciplines, interagissant en permanence avec les think tanks, et capable de dialoguer avec les autres producteurs d’innovation politique. Mais cela ne sera pas suffisant. En effet, de leur côté, les think tanks devront faire preuve de plus d’ouverture et faciliter la construction d’analyses et d’études. La charge est ambitieuse et passionnante. Avis aux contributeurs…

 

Article publié par Amaury Bessard le 17 avril 2011 sur Think Twice