A l’heure où de nombreux responsables politiques liés au gouvernement français s’évertuent à composer de nouvelles variations sur le motif des vieilles antiennes de la xénophobie, le pragmatisme de certains de leurs homologues de l’extrême droite décomplexée italienne étonne encore par sa franchise.
Le 29 mars, le sénateur Cristiano de Eccher, membre du parti "Peuple des Libertés", déposait un projet de réforme constitutionnelle visant à en modifier l’article XII, qui interdit de "promouvoir la constitution d’une organisation, d’un mouvement ou d’un groupe ayant les caractères et poursuivant la finalité" de réorganiser le parti fasciste dissolu, ou quiconque "exalterait publiquement des représentants, des principes, des faits ou des méthodes du fascisme, ou ses finalités antidémocratiques." Malgré le soutien de cinq autres sénateurs, cette initiative trop évidemment provocatrice a été rapidement bloquée.
Dans un autre genre, le texte de Domenico Scilipoti présentant les valeurs de son groupe parlementaire, le Mouvement de responsabilité nationale, a lui aussi de quoi surprendre par son aisance à renouer avec les plus sombres heures de l’histoire européenne. La sagacité d’Antonio Scalari a en effet permis à ce jeune biologiste et bloggeur italien de mettre en évidence une dizaine de passage reprenant textuellement le Manifeste des intellectuels du fascisme rédigé par Giovanni Gentile en 1925.
Le même observateur rappelle sur son blog que Scilipoti et son mouvement devaient organiser quelques jours plus tard dans un édifice parlementaire une manifestation "scientifique" devenue matière à polémique avant même son commencement. La présence de Danilo Toneguzzi, représentant de la "médecine hamérienne" (du nom de son fondateur Rijke Hamer) mis en examen pour escroquerie et homicide involontaire, n’était que l’objet principal des hésitations relatives à la légitimité d’un colloque devant traiter de "médecine vibrationnelle et ésogétique", et donner la parole à Riccardo Peruccacci, "thérapeute holistique de formation pluridisciplinaire". Cet événement jette un éclairage utile sur la réaction de Scilipoti aux remarques nées des observations d’Antonio Scalari, relayées par l’hebdomadaire L’Espresso. Celui-là s’est en effet justifié en soutenant qu’ "il se peut que quelqu’un d’autre, autrefois, ait pu parler le même langage".
Ceux qui n’accepteront pas si facilement l’idée d’une mystérieuse transmission inter-temporelle des pensées pourront toujours rire de ces évocations nostalgiques et plus ou moins abruptes d’un passé toujours moins systématiquement désavoué. Mais lorsqu’elles font suite aux actes et aux déclarations tonitruante du Président du Conseil Silvio Berlusconi, dont les alliances électorales ont sans doute favorisé de telles réminiscences, on ne peut guère s’empêcher de frémir devant leur désespérant tragique de répétition.
Pour aller plus loin :
-"Scilipoti, il manifesto fascista", L’Espresso, 6 avril 2011
-"M. Scilipoti, sauveur de Berlusconi et plagiaire", Le Monde, 13 avril 2011
-"Convegno di Scilipoti. I Maya galattici stanno tornando? Alla Camera, domani, fra Aure e scie chimiche", Il canguro di latta (blog de A. Scalari), 14 avril 2011