Les voyages "géopoétiques" de Kenneth White en Europe.

Avec la carte de Guido, l’inventeur de la "géopoétique" emmène son lecteur à travers l’Europe de ses souvenirs de voyages. De la multitude de lieux visités, au retour à la terre natale d’Ecosse, les pages de Kenneth White ont la saveur de l’expérience. Que ce soit le souvenir d’une chambre d’étudiant à Munich ou un concert folklorique improvisé dans un pub irlandais, l’Odyssée de White mène son lecteur à sa suite, à travers mémoire et choses vues.

Il ne faut pas chercher dans ce livre une trame romanesque. L’auteur se promène, savoure des rencontres, des paysages, des  lectures. Même si le texte prend parfois la forme d’une enquête, à la suite de la copie de cette carte mystérieuse – Guidonis Liber, Pise XII° siècle – copiée dans une bibliothèque de Bruxelles.

Les chapitres s’intitulent "Balade irlandaise", "vieille lune de Bilbao" ou encore "Sur les crêtes de l’aurore". À travers l’évocation de ses lectures, on est amené à croiser le "surnihilisme" de ses premières années et à fréquenter les grands esprits européens dont un exemplaire des textes accompagne toujours le narrateur. Ainsi des portraits de Nietzsche et Dostoïevski ornent-ils les murs de sa chambre.

De Bruxelles à Podgoriça, en passant par la Galice et l’Italie vénitienne, Kenneth White esquisse des portraits, croque des bribes de conversations entendues dans des trains et nous fait savourer cette comédie humaine en mouvement. Et si le voyage n’a pas de sens linéaire, il n’en est qu’enrichi de l’épaisseur des années qui séparent les  différentes excursions.

Ainsi on est amené à lire des extraits de poèmes et des anecdotes littéraires, comme les derniers mots d’Oscar Wilde ou les promenades en vaporetto de Byron et Shelley. Un chapitre entier part ainsi à la recherche des traces de Byzance, présente "partout" à Venise.

Quant à Trieste, s’il n’y a plus de rideau de fer, opère encore un "theatrum mundi" où il reste encore "beaucoup d’obscurités et quelques lumières errantes". Un séjour en Cornouailles fournit le prétexte à feuilleter quelques pages de Thomas Hardy, auteur du Retour au pays natal. Son passage dans les Balkans l’amène à revisiter la théologie orthodoxe.

Les voyages de Kenneth White, témoin privilégié, sont  solitaires, à l’image de cette inscription sur la maison du Prince Eugène à Stockholm, relevée par l’auteur : Sole, sole, gaudeo (seul, tout seul je jouis d’une solitude solaire). Mais par l’écriture, il rejoint son lecteur et partage avec nous sa curiosité des lieux et des personnes, sa soif de découvertes et un regard toujours disposé à l’étonnement

 

 

* Le site de Kenneth White.