Nonfiction.fr- Quel a été le moteur de la naissance de ces 41 propositions autour d'une politique globale de la ville ?

 

 

Le moteur de ces 41 propositions, c’était avant tout la volonté de tirer les enseignements, qu’ils soient positifs ou négatifs, de la politique de la ville telle qu’elle a été pensée et menée en France depuis 25 ans environ. Cette question vaut particulièrement pour les quartiers. Le PS a pour cela choisi de s’appuyer sur les différentes expériences locales que les élus de gauche ont mis en place sur leurs territoires pour élaborer ces propositions. 

 

 

Nonfiction.fr- En tant que maire de Reims, vous êtes-vous inspirée de votre expérience locale (et comment) pour définir ce projet de politique de la ville globale ? (Vous avez mis en application la loi SRU par exemple à Reims qui tient une place importante dans les 41 propositions)

 

 

Très clairement, oui. L’expérience locale, comme je l’ai dit, est à la base de notre réflexion en matière de politique de la ville. Et de ce point de vue, je crois que la spécificité de Reims a particulièrement joué. Nous avons en effet un parc social très important avec près 43% de logement social. Il n’y a pas en France d’autre exemple d’un taux aussi élevé dans une ville de telle importance. 

Je voudrais également souligner que Reims inaugure dans quelques jours son Tramway. Loin d’être anecdotique, cet événement est un élément majeur de la cohésion sociale et de la politique de la ville. Le tramway favorise la mobilité entre les différents territoires de notre agglomération. A Reims, il va permettre de relier deux grands quartiers populaires, les rattachant ainsi à la Ville. Or aujourd’hui, quand on sait que certains habitants ont des références de quartiers avant même d’avoir des références de ville, l’arrivée du tramway, en retissant du lien entre les différents territoires, est le symbole d’un vrai projet politique de la ville globale, d’un véritable "projet de ville".

 

 
 

Nonfiction.fr- Le projet Reims2020 comprend l'idée du "vivre-ensemble" que l'on retrouve dans les 41 propositions, quels sont les éléments clefs de ce vivre-ensemble et du "choix des proximités"? 

 

 

Le vivre-ensemble, c’est avant tout la volonté de casser la logique de spécificité des quartiers. A Reims, nous avons lancé un grand projet urbain "Reims 2020" auquel vous faites référence  et menons un programme de renouvellement urbain de grande envergure.  Ces deux opérations structurantes nous permettent de repenser la ville autrement tout en développant la notion de mixité et de règle des "3/3", c’est-à-dire de développer à parts égales les trois typologies de logement pour réaliser concrètement cette mixité : locatif social, accession à la propriété et secteur privé.

 

 

A côté de la mixité sociale, nous travaillons également à développer la mixité "fonctionnelle» où chaque quartier peut regrouper différentes fonctions : logement, activité, loisirs, services, commerces…Mais nous attachons aussi de l’importance à la mixité "intergénérationnelle", en concevant des immeubles qui puissent accueillir à la fois des personnes âgées, des étudiants et des crèches.

Dans cet esprit, nous révisons actuellement notre Plan Local d’Urbanisme et notre Programme Local de l’Habitat, afin d’intégrer concrètement cette règle des 3/3 au sein de nos documents administratifs. Sur chacune des opérations de construction de logements, cette règle doit pouvoir être appliquée.

 

 

Nonfiction.fr- On voit que pour Reims2020 il s'agit de définir un plan urbain dans la durée, pensez-vous que définir des objectifs sur le long terme soit un élément important pour réussir la politique de la ville ?

 

 

Je crois qu’il est absolument nécessaire de penser la ville dans la durée, de s’imaginer à quoi elle pourrait ressembler dans 20 ans. Il faut développer une vision à long terme la Ville, afin que toutes les décisions et actions prises entre temps s’inscrivent dans cette optique.

 

 

Je dis souvent qu’il nous faut tenir la chaîne par les deux bouts, c’est-à-dire penser à la fois la Ville sur le long terme, par exemple sur la manière dont on inclut les quartiers au cœur de la Ville elle-même, et être en même temps capable de répondre aux problématiques du quotidien, de faire de la gestion urbaine de proximité. C’est en effet un défi auquel tous les élus de grandes métropoles sont confrontés, entretien de la voirie, poubelles qui brûlent, penser les containers enterrés donc qui ne brûlent plus : dimension de sécurité, environnement, sociale. 

 

 

Nonfiction.fr- Vous avez parlé pour la ville de Reims de la nécessité d'une "ville plus solidaire" et Nathalie Perrin Gilbert a insisté sur l'idée des habitants comme "acteurs de leur ville", pensez-vous qu'il faut une "réappropriation" de la ville par ses habitants ? Et si oui, quel rôle pour les associations, les collectifs de quartiers ?

 

 

Je crois que c’est en effet absolument fondamental. La transformation de la Ville doit se faire avec les habitants, ils ne doivent pas la subir ou se la voir imposée.  Aussi ambitieux que soit notre projet, celui-ci n’aura de sens que si les habitants se l’approprient.

C’est là comme vous le soulignez tout le sens de notre action depuis deux ans et demi : remettre l’habitant au cœur du projet. Depuis notre arrivée aux responsabilités, nous avons pris 4 initiatives :

La première concerne la concertation et la participation des habitants. C’est le cœur de notre démarche, nous voulons dire aux habitants : "La ville change et elle change avec vous". Nous avons voulu faire des habitants de véritables acteurs dans l’aménagement de leurs futurs espaces de vie.

C’est dans cet esprit que nous avons par exemple mis en place de nombreuses rencontres, je pense en particulier aux réunions publiques, aux Ateliers Urbains de Proximité, sans oublier les conseils de quartiers. En tout, ce sont plus d’une soixantaine d’ateliers urbains de proximité et visite de terrains qui ont été organisés.

Par ailleurs, l’accompagnement du programme de renouvellement urbain a été renforcé et nous avons tenu à ce que de nombreux projets portés par des associations de quartier soient financés dans des domaines aussi variés que la culture, la prévention et la sécurité, le mieux vivre, car chacune de ces actions participe à créer du lien social au cœur des quartiers. C’est essentiel.

 

Nonfiction.fr- Pourquoi le New Deal urbain présenté par Martine Aubry commence-t-il par l'idée d'une "reconstruction" de la ville? 

 

 

Sans doute parce que la Ville, dans sa conception même, produit souvent de l’inégalité entre les habitants ; dans ces conditions, il est difficile de se passer d’une reconstruction de la Ville, parce que nous vivons aujourd’hui dans des villes morcelées, segmentées, loin du "vivre ensemble". Or, le projet politique de la Ville doit impliquer le développement d’une vraie pensée de la ville, d’en faire un territoire de solidarité entre les habitants.

 

 

Nonfiction.fr- Vous avez également signé à Clamart en février 2011, l'appel pour une autre politique du logement en février 2011, est-ce selon vous la priorité pour la politique de la ville dans les années à venir ?

 

 

Oui, le logement est à l’évidence, avec l’emploi, une des deux priorités pour la politique de la ville dans les années à venir. Tout part de là : vous ne pouvez pas construire une société apaisée, ouverte et solidaire, sans offrir à chacun la possibilité de travailler et de se loger décemment. S’ils reviennent aux responsabilités, les socialistes auront sur ces deux points une exigence de résultats.

 

 
 

Nonfiction.fr- Comment expliquez-vous cet intérêt du PS pour la politique de la ville aujourd'hui ? Est-ce pour vous un thème phare à défendre pour 2012 ?

 

 

Cet intérêt dont vous parlez n’a rien de nouveau. Le PS s’est au contraire toujours intéressé à la politique de la ville. En 1998, un rapport de Jean-Pierre Sueur posait déjà un regard critique sur les fondamentaux de la ville. Je n’oublie pas non plus que Claude Bartolone, Ministre de la Ville sous le gouvernement Jospin, a beaucoup œuvré pour faire avancer la politique de la ville. De fait, comme je l’évoquais plus tôt, cette thématique fait intégralement partie des problématiques de la gauche. Et de ce point de vue, c’est effectivement un thème qui sera prioritaire pour 2012.  J’y vois un enjeu majeur pour l’ensemble de la gauche et pour le PS en particulier. Si nous voulons vraiment réduire les inégalités, si nous voulons vraiment agir pour redonner un sens à ce que j’appelle "la ville solidaire", alors oui, il faudra en effet que les grandes questions de la politique de la Ville occupent une place majeure au sein de notre projet