Le repositionnement stratégique d’Obama à l’approche des élections présidentielles de 2012

 

La défaite des démocrates aux éléctions de mi-mandat marque un tournant dans la stratégie politique et éléctorale de Barack Obama à l’approche des élections présidentielles de 2012. Le  discours sur l’Etat de l’Union du Président, empreint d’un optimisme “reaganien”, a confirmé un recentrage politique et une volonté de coopération bipartisane. En évitant soigneusement le terme de “relance”, Obama a mis l’accent sur les objectifs de “création d’emplois” - première préoccupation des américains - et de “compétitivité”. 

 

Les remaniements récents au sein de la Maison Blanche reflètent cette ambition politique. La nomination de deux centristes clintoniens traduit une volonté de renouer avec le milieu des affaires. Le nouveau secrétaire général, William Daley, ex-conseiller chez JP Morgan, avait travaillé au sein de l’administration Clinton en tant que secrétaire d’Etat au Commerce. Gene Sperling, nommé à la tête du Conseil Economique National, est un ancien dirigeant de Goldman Sachs et a lui aussi collaboré avec Bill Clinton sur l’économie et la réduction du déficit budgétaire. Paul Volcker, ancien président de la Fed qui présidait le conseil pour la reprise économique cède la place à Jeffery Immelt, ancien directeur éxecutif de General Electrics, qui prendra la tête d’un nouveau conseil économique centré sur l’emploi et la compétitivité. David Plouffe qui avait géré avec brio l’organisation communautaire de la campagne présidentielle de 2008, rejoint à son tour la Maison Blanche en tant que conseiller spécial du Président.

 

Obama n’a pas non plus perdu de temps pour constituer son siège de campagne qui sera basée à Chicago alors que les républicains divisés peinent encore à trouver leur candidat. La nouvelle équipe sera animée par la vieille garde d’Obama : Jim Messina, ancien chef de cabinet du Président, qui se voit chargé du financement de la campagne, David Axelrod, le grand stratège de la campagne de 2008 et de Robert Gibbs, porte-parole de la Maison Blanche, qui avait orchestré la campagne de communication du candidat Obama en 2008. 

 

L’équipe de campagne devra raviver une base électorale rétrécie après l’échec du camp démocrate aux élections de mi-mandat. Suite aux défaites électorales dans de nombreuses législatures dans les Etats du Sud et du Midwest, l’équipe devra reconquérir les swing states, ces Etats stratégiques où seront présents leurs adversaires républicains. C’est Jennifer Mailley O’Dillon qui sera chargée de la mobilisation des électeurs sur le terrain avec l’appui des militants et des bénévoles. L’utilisation d’Internet et le déploiement des réseaux sociaux constituera un élément charnière de cette stratégie de mobilisation. La campagne de 2012 sera aussi marquée par des investissements massifs dans chaque camp politique. Reste à voir si Obama dépassera la somme vertigineuse de 750 millions de dollars dépensée pour sa campagne en 2008.

 

Si la nouvelle cohabitation réduit la marge de manœuvre du Président, cette situation pourrait se  révéler avantageuse pour lui dans la mesure où il partage désormais la responsabilité décisionnelle avec les républicains. Ces derniers devront veiller à ne pas tomber dans l’obstructionnisme systématique. S’ils démantèlent certaines mesures populaires, ils risquent à leur tour de se mettre à dos les électeurs. Ainsi, les négociations sur le budget de l’année fiscale 2012 ont déjà débouché sur des compromis dans les deux camps.

 

Bien que l’ère des grandes réformes soit révolue, il reste quelques chantiers sur lesquels les démocrates peuvent travailler avec les républicains, notamment la réduction du déficit budgétaire, le commerce extérieur et l’éducation. Le Président souhaite aussi poursuivre une politique d‘investissement ambitieuse dans les infrastructures et les énergies renouvelables, tout en menant une politique de rigueur prônée par le camp républicain. La route vers 2012 sera donc pavée de choix difficiles et d’arbitrages délicats qui risquent à tout moment d’éroder le capital politique du président sortant, à moins que celui-ci ne parvienne à se placer au-dessus de la mêlée, à l’abri des querelles partisanes.

 

La posture centriste et “pro-business” d’Obama comporte le risque d’aliéner les électeurs à la gauche de son parti. Elle révèle néanmoins une stratégie électorale pragmatique de reconquête des électeurs indépendants. Ces derniers représentent le bloc électoral le plus important et le plus volatil. Obama souhaite également obtenir le ralliement des milieux d’affaires dont les allégeances politiques et financières se sont récemment déplacées vers le camp républicain.

 

Le désaveu des électeurs à l’égard du Parti démocrate ne signifie pas pour autant un engouement renouvelé pour le programme des conservateurs. Aujourd’hui, aucun challenger républicain ne fait le poids face au président sortant qui l’emporte dans les tous les sondages. Les divisions et querelles internes au camp républicain dans leur course aux primaires bénéficieront sans doute à Obama. Les mauvais résultats du camp démocrate sont avant tout imputables au mécontentement croissant face à la situation économique. Les effets du plan de relance mené par Obama peinent à se faire sentir à cause de deux problèmes liés : un taux de chômage ayant atteint 10,8% en novembre dernier et un déficit structurel atteignant 9,8% du PIB.

 

C’est donc la conjoncture économique qui sera le facteur décisif pour la réélection de Barack Obama. Or, quelques indicateurs récents pointent vers une légère baisse du taux de chômage tombant à 8,9%. Reste à voir si ces chiffres reflètent une embellie passagère ou une tendance de plus long terme