Outre le Laboratoire, ce lieu entièrement consacré à ce thème et dont nous aurons à reparler, la Gaîté Lyrique (Paris, 3° arrondissement), ex-théâtre, change de destination. La Ville de Paris a décidé d’y créer un centre dédié aux arts numériques, et même plus exactement un centre décidé à "s’affirmer comme un lieu de production et de création artistique de référence internationale dans le domaine des musiques actuelles et des arts numériques. La Gaîté Lyrique   a pour vocation de devenir une institution culturelle reconnue au plan international, tant par sa conception et ses équipements, que par la production artistique qu’elle soutient." Précédemment vouée à la planète art, elle entre dans le jeu de la planète technologies, des arts high-tech et des musiques actuelles. Elle a ouvert ses portes le 2 mars 2011.
 
Le terme générique qui recouvre cette mutation est : "les cultures numériques". Ce qui frappe cependant, avant toute exploration concrète, c’est le primat accordé à la technique. On présente d’abord les moyens, on promet des techniques digitales, des capteurs et des multimédias. Mais le projet artistique et culturel n’est pas mis en avant. Même si le directeur de l’établissement, en l’occurrence Jérôme Delormas, affirme : "nous voulons explorer l’époque dans ses formes culturelles les plus avancées". Quant à la Mairie de Paris, elle annonce vouloir "rendre compte et favoriser l’effervescence de la création utilisant le numérique, en dépassant les barrières des disciplines artistiques, sur la scène nationale et internationale. L’objectif est de promouvoir les expressions artistiques indépendantes, de faire le lien entre création et pratiques sociales".

Il n’en reste pas moins qu’il convient d’attendre que l’inauguration ait eu lieu, que les directeur affine sa perspective, et que les premiers spectacles se soient déroulés pour en dire plus. Pour l’heure, sont annoncés : les collectifs UVA et Rimini Protokoll, installations lumineuses et joysticks au programme (voir la programmation sur www.gaite-lyrique.net). Les autres annonces tournent autour de la scène interactive, dont on nous indique qu’elle saura poétiser le multimédia (voir www.gaite-lyrique.net/experience/) ; "Berlin Next !" en avril ; des projections murales par Visomat Inc et autres street artists suivront.

Une série de questions s’impose, sur lesquelles nous reviendrons au fur et à mesure du déploiement de ce lieu, qui visent non seulement les catégories dont il se réclame, mais aussi le rapport au public. D’abord, quel rapport avec l’histoire de l’art ces pratiques vont-elles entretenir ? Sachant qu’en matière de mise en tension arts/techniques, Jean Tinguely, en juillet 1959, a été un des premiers à tout remettre en jeu, en présentant notamment chez Iris Clert Métamatics : des machines à peindre et à dessiner en libre service. Ensuite, quelles positions vont se dégager relativement aux dénigrements réciproques entre arts et techniques, pour ne pas parler des sciences. Enfin, comment penser une boîte à outils de ce type pour les artistes ?