Qu’on le prenne à parti historiquement ou de manière uniquement contemporaine, le débat portant sur les rapports Arts et Sciences est trop souvent concentré sur les sciences dites "dures" (physique, mathématiques, biologie, chimie). Chacun oublie un peu vite que le champ des sciences est plus divers et plus intéressant pour cela. Entre autres, il comprend les sciences humaines ou sociales.

Or, relativement à elles, les rapports Arts et Sciences sont non moins importants et parfois fructueux.  Un exemple récent en est fourni par les exercices de l’entre-deux entrepris par la compagnie ALIS, travaillant sur les rapports entre la linguistique et les arts de la scène. Il ne s’agit pas, on le voit bien, du problème du langage et de la littérature, problème qui relève d’une longue tradition. Non, il est bien question ici des rapports Arts et Sciences.

La compagnie ALIS est née voici plus de 15 ans de la complicité de Pierre Fourny et de Dominique Soria. Le premier est sinisant et le second saltimbanque. Ils ont une dizaine de spectacles à leur actif, mais aussi des expositions, des réalisations événementielles, ainsi que des films. Et si l’on veut renvoyer d’emblée à la linguistique, il faut signaler qu’elle construit son œuvre autour de la graphie des mots, du vocabulaire  - en le prenant au pied de la lettre, en le traitant comme un paysage de signes, en jouant avec la physionomie des mots. Façon qu’a le vocable, précise Pierre Fourny, de prendre l’air, l’air de rien.

Dans le dernier spectacle, La Coupure, ALIS approfondit sa démarche, conduisant le spectateur à une réflexion sur les rapports des arts et de la linguistique. Il s’agit d’une sorte de chaîne de montage d’incidents sémantiques et graphiques, textuels et visuels, dont les ingrédients sont la langue et l’écriture sous sa forme graphique. A partir de coupes dans l’intégrité habituelle des signifiants, ALIS constitue des enchaînements d’illusions d’optiques produisant des allusions linguistiques. La "machine poétique" d’ALIS s’alimente au principe de la Poésie à 2 mi-mots qui consiste à produire des couples de mots ou des groupes de mots, dont chacun est constitué de la moitié supérieur ou inférieure d’un autre mot.

La compagnie ne se contente donc pas de traduire les savoirs linguistiques sur la scène artistique, elle ne dresse pas une œuvre artistique en reflet d’un savoir, elle invente un entre-deux pour dessiner une zone de tension et de questionnement échappant aux défauts habituels de ces thématiques Arts et Sciences : une science qui n’est plus science, un art qui est peu artistique, une science qui se prend pour l’art et un art qui se veut scientifique. ALIS découvre dans l’aspect graphique et visuel des mots un objet nouveau à explorer.

Pour ce qui nous concerne dans cette rubrique, ALIS nous pousse vers l’idée selon laquelle entre Arts et Sciences, il convient de dessiner un entre-deux commun, une surface d’échange à partir de laquelle les deux activités construiraient un ou des objets communs, multipliant ainsi les possibilités de collaborations communes, de dessiner un objet de travail commun respectant les objets spécifiques de chacun