Une étude sur l'histoire de la Lanterne, résidence d'Etat de la Vème république.

Depuis sa construction en 1787, La Lanterne fait partie de l'intimité des puissants. Sur décision du général de Gaulle, ce pavillon de chasse est devenu la résidence secondaire des Premiers ministres à partir de 1959. Ainsi, des Debré aux Villepin, les familles ont passé des jours tranquilles au fond du parc du château de Versailles. Seul André Malraux a fait trembler les lieux pendant sept ans, en y promenant sa dépression alcoolisée et son obsession pour la décoration...

 

Patrice Machuret, journaliste politique, a décidé d'enquêter sur La Lanterne. Pour que les pierres du pavillon livrent leurs secrets, il a rencontré beaucoup de ceux qui y ont vécu, de Lionel Jospin à Edouard Balladur en passant par Michel Rocard et Jean-Pierre Raffarin. Au cœur de son enquête, le discret hold-up de Nicolas Sarkozy sur la résidence des Premiers ministres : en mai 2007, le nouveau président de la République s'y installe au détriment de François Fillon. Mais cela valait-il bien la peine d'y consacrer un livre ? Manifestement : non.

 

Un ouvrage assez fouillé, surtout fouillis

 

Derrière le plaisant clin d'œil de la promesse à Cécilia devenue un dîner de mariage avec Carla, Un long dimanche à Versailles est un livre qui n'est pas franchement passionnant... Alors qu'on s'attend à une approche politique des enjeux de pouvoir liés au lieu, le livre commence par nous décrire la vie "difficile" des "pauvres" paparazzi en planque avec une multitudes de détails sur le peu d'espace dont ils disposent pour poser leurs appareils photographiques. On croit rêver.

 

Ce saisissant chapitre est immédiatement suivi d'une biographie de Philippe Louis Marc Antoine de Noailles, prince de Poix et premier propriétaire de La Lanterne,  et d'une succession d'anecdotes sur les différents rachats du domaine, avant qu'il n'entre dans le giron de l'Etat et que la famille Debré s'y installe. Pour documentée qu'elle soit, cette partie du livre n'en demeure pas moins lourde à digérer et les emplois du temps des enfants Debré à dos de cheval ou de mobylette n'arrangent rien à l'affaire.

 

Le chapitre consacré à André Malraux, intitulé "les années noires" est prometteur : on imagine y découvrir une facette cachée de l'ancien ministre de la Culture et quelques dossiers restés dans l'ombre de la République. Il n'en est rien. Il faudra se contenter des anecdotes biographiques qui l'ont conduit à épouser la veuve de son demi-frère et adopter ainsi son propre neveu. Si le parcours de l'homme est intéressant, le livre demeure, lui, décevant.

 

"Il n'y a rien à foutre là-bas !"

 

Mais alors, que reste-il à dire sur La Lanterne ? Probablement plein de choses, dont l'une des plus sensées sort de la bouche de Michel Rocard : "il n'y a rien à foutre là-bas !". Le Premier ministre de François Mitterrand, d'abord ébahi par le charme du château, se rend vite compte que ses fils de 16 et 18 ans n'envisagent pas franchement de consacrer leurs week-ends à la lecture et la télévision. Il décide donc de rénover l'ensemble pour en faire une résidence plus attractive avec tennis et piscine. Coût de l'opération : 2 millions de francs. C'est un tollé. Décrié dans la presse, Rocard se défend comme il peut mais rien n'y fait. Son analyse d'aujourd'hui : "c'était du poujadisme anti-élu."    

 

Chacun appréciera, mais la question mérite d'être posée : après avoir fait tomber la monarchie, les dirigeants français n'ont-ils pas fini par céder aux mêmes envies ? Faute de pouvoir construire de nouveaux palais à leur guise, ils réhabilitent les anciens murs et savourent ce plaisir rarement avoué d'endosser les habits de pierre des grands hommes et des grands rois. N'est-ce pas une façon de goûter discrètement au pouvoir d'antan ? "L'ivresse des sommets n'épargne personne, ni les rois d'hier, ni les princes d'aujourd'hui."  

 

C'est ce que l'on retiendra de ce livre. Et, finalement, ce n'est quand même pas si mal.