Il existe à Grenoble un Atelier Arts-Sciences, depuis 2003, qui veut construire un outil exploratoire des relations entre artistes et scientifiques, à la confluence du CEA et de la scène nationale de Meylan. Pour l’heure, l’Atelier se contente de sonder des relations concrètement établies à partir de pratiques existantes, sans pour autant disposer d’une conceptualisation claire de ces rapports entre Arts et Sciences et sans avoir entrepris le repérage des rapports possibles – historiques et structurels – entre les deux. Il confond sans aucun doute trop souvent sciences et techniques d’un côté, art contemporain et art ludique de l’autre. L’art y abandonnant sa faculté critique des virtualités techniques. Il n’empêche, le dernier Cahier de l’Atelier Arts et Sciences (N° 3, 2011), intitulé Résidence 2010, que l’on peut se procurer auprès de l’Atelier, propose un compte rendu d’une expérience d’un an portant sur un travail réalisé en trois temps : une recherche sur le "film savon", l’invention de dispositifs techniques autour de ce film (grâce aux chercheurs du CEA-Leti) et la création d’un élément scénographique pour la Compagnie des Rémouleurs (marionnettes et théâtre), à partir d’un texte de Jacques Jouet.

 

Un film savon, qu’est-ce ?

 

Chaque bulle de savon en présente un, souple et mouvant, sans cesse traversé d’irisations. Deux projets simultanées sont envisageables à partir de cet objet : le montage d’une machine expérimentale et technique destinée à stabiliser cette matière et à lui trouver des débouchés industriels pour accroître la compétitivité technique ; s’intéresser à l’aspect plastique de ce film et l’adapter aux normes scéniques. En associant les deux dimensions, l’équipe artistique des Rémouleurs, conduite par Olivier Vallet, n’avait plus qu’à développer son projet en résidence. Vallet l’explique d’ailleurs ainsi : « Je savais ce que je voulais obtenir : un film de savon stable, le plus large possible, qui puisse être utilisé en conditions scéniques, et teinté à volonté pour le rendre opaque ». Du coup, il était possible de jouer de la transparence, des irisations et de la plasticité d’un écran déformable sur la scène du théâtre L’Hexagone-Meylan.

 

Globalement, la réussite de la résidence et du projet tient aux relations techniques mises en place. La mise en contact des artistes et des chercheurs visait surtout à améliorer le rendu esthétique, les effets scéniques et à optimiser la stabilité du film savon dont il sera possible de reprendre les caractéristiques dans la production industrielle.

 

Prolongements

 

Le Cahier en question aurait pu, tout de même, s’intéresser simultanément aux recherches des artistes modernes et contemporains sur les mousses, les films liquides, les fluides ; aux analyses philosophiques des rapports entre Arts et techniques – pour se borner au XX° siècle et au début du XXI° siècle, la réflexion est abondante, explorant la fascination, l’exaltation ou la péjoration de la technique – , mais aussi à l’irruption de l’industrie dans l’art (à partir des réticences de Charles Baudelaire, Salon de 1859, II) ; et tenter une brève analyse épistémologique du statut des liquides et des transparences dans l’histoire de la pensée. Le registre d’analyse proposé coupe court à ces perspectives culturelles. Il tombe un peu vite, justement, dans le registre de l’objet fascinant et de l’exaltation technologique. Etonnement factice du spectateur ?

 

Il reste que le problème des rapports Arts-Sciences mérite d’être repris désormais, puisque tant d’expériences se conçoivent à son égard.

 

A propos de l'atelier

 

L’Atelier Arts-Sciences, Cahier n°3, 2011.

Directrice Eliane Sausse, 

Contact : arts-sciences@theatre-hexagone.eu