Alain Finkielkraut était invité par les Etats généraux du renouveau samedi 29 janvier à Grenoble, pour discuter du thème "Culture et identité nationale : des concepts dépassés ?" Le philosophe a fait un exposé engagé en faveur d’une culture élitiste, au service de l’identité nationale. 

 

Alain Finkielkraut ne surprend personne en dénonçant l’abandon de la culture et le refus du récit national. Le sujet lui est familier, sa position reste inchangée. Plus surprenante est cependant son entrée en la matière contre "l’inculture militante du président de la République", qui fait de la Princesse de Clèves un livre "subversif". Avec la suppression de l’épreuve de culture générale dans les filières techniques, et le communiqué du CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires) se félicitant d’une telle décision au nom de la lutte contre les discriminations, le philosophe s’inquiète que l’enseignement de cette discipline puisse être jugé discriminatoire.

 

"La culture nous rappelle notre médiocrité"

 

Pour lui, c’est en créant une école à la carte que l’on crée les inégalités : l’école républicaine doit être la promotion de la culture pour tous et non pour chacun comme Francis Lacloche le préconise dans son rapport. "La culture pour chacun n’est pas l’élitisme pour tous, c’est la culture de chacun promue à la dignité de culture" argumente Finkielkraut. Un concept qui ouvre grand la porte au relativisme.

 

Ce relativisme qui constitue, pour le philosophe, le plus grand danger auquel est confrontée la culture. Le savoir que doit enseigner l’école est par essence exigeant, élitiste et intimidant. "La grande culture ne vous rend pas fier, elle nous rappelle notre médiocrité" lance-t-il, sentencieux. La culture qui ne prescrit pas, la culture sans hiérarchie, n’est plus la culture. "Ce qui tue la culture, c’est l’anti élitisme" continue-t-il. Et de regretter cette impasse du "tout culturel" dans laquelle nous sommes engouffrés, ces pages "culture" des magazines où "l’on ne parle que de la fashion week", la substitution, finalement, d’un sens par un autre. "La culture n’est pas périmée", reprend-il, "mais sa nouvelle définition  risque de la rendre obsolète". 

 

"La nation est un plébiscite de tous les jours"

 

"Alors comment peut-on se réclamer de l’identité nationale et faire si peu de cas de la culture ?" enchaîne Alain Finkielkraut, dans une nouvelle attaque au président. La culture fait partie de l’identité nationale, affirme-t-il. Il est normal que ce débat effraie, qu’il crée des "suspicions". Mais il est anormal que les suspicions se portent sur le terme même d’identité nationale. "Quand j’entends Peillon parler de l’ignoble débat, je suis stupéfait" s’emporte Finkielkraut. "Il faut que la France s’interroge sur son identité dans une période de forte immigration."

 

Pour lui, le danger n’est pas le débat sur l’identité nationale, le danger est dans l’appropriation de l’histoire. C’est l’idée de propriété de l’identité nationale qui fait le lit de la xénophobie. Il ne faut ni s’approprier, ni renier le récit national. "Pour être accueillante, on dit que la France devrait se séparer de son histoire, c’est symptomatique" dénonce-t-il, avant de nous inciter à relire Renan : "La nation est un plébiscite de tous les jours, un héritage de gloire et de regrets à partager."

 

Céline fait-il partie de l’héritage national ? Ce qui est sûr, c’est qu’il ne sera pas plébiscité cette année. Sur cette décision de Frédéric Mitterrand, Finkielkraut se fait nettement moins catégorique : "Il y a un conflit entre le bien moral et le bien esthétique. Il faut savoir jusqu’où va notre défense de la littérature"