Nonfiction.fr revient sur différents débats qui ont eu lieu aux Etats Généraux du Renouveau, à Grenoble, les 28, 29 et 30 janvier 2011. Celui-ci opposait le samedi 29 janvier Jean-François Kahn à Jean-Luc Mélenchon.
Le titre, provocateur, "Qu’ils s’en aillent. Tous ?", laissait présager un débat à l’applaudimètre, entre deux personnalités connues pour leur franc parler et leur verve. Mais l’échange a donné lieu à d’intéressantes considérations sur la révolution à mener, et la politique à suivre.
Quel est le point commun entre Jean-François Kahn et Jean-Luc Mélenchon ? Leur dénonciation commune des élites, des classes dirigeantes qui constituent une oligarchie à la française. Cette oligarchie qui, "à force de ne parler qu’entre elle, finit par penser qu’elle a raison" tempête Jean-François Kahn dès l’ouverture du débat. En 2006, ce dernier sortait son livre Les bullocrates, dans lequel il dénonce les liens existant entre médias et pouvoir. Les journalistes et les politiques, les élites pensantes, enfermées dans leur bulle, imposeraient leur vision de la France au peuple. Quatre ans plus tard, Jean-Luc Mélenchon écrit Qu’ils s’en aillent, tous ! Un pamphlet dans lequel lui aussi entend dénoncer l’oligarchie française et la pensée unique. "S’il n’y a qu’une politique possible, pourquoi voulez-vous voter ?", renchérit le président du Parti de gauche. Et de comparer notre époque avec celle des Lumières qui se battaient contre toutes les formes d’obscurantisme : "Au XVIIème siècle, on vous aurait dit : "Bien sûr que Dieu existe puisque tout le monde est d’accord !". D’une même voix, Jean-Luc Mélenchon et Jean-François Kahn s’élèvent contre la confiscation de la démocratie par ces élites. "Prenez le traité de Lisbonne", argumente le premier, "vous avez voté non, mais on veut vous faire croire que vous avez dit oui !" Kahn acquiesce, et immédiatement Mélenchon réagit : "Toi, tu as appelé à voter oui !"
Ne pas refuser La Fayette
Car Jean-Luc Mélenchon et Jean-François Kahn ne peuvent être d’accord sur tout. "Le peuple veut que l’on respecte le clivage politique", explique le député européen sous les applaudissements. Au jeu de la dénonciation, c’est Jean-Luc Mélenchon qui remporte le plus de suffrages. Parce qu’il est un homme politique, aujourd’hui plus que jamais médiatique. Parce qu’il a quitté bruyamment le PS, parce que sa dénonciation de l’oligarchie épouse efficacement ses ambitions révolutionnaires. Provocateur : "On me demande ce que je réponds à ceux qui menacent de s’en aller. Je leur réponds : "Au revoir !", prophétique : "Ce monde de pacotille, qui vit cramponné à des phrases creuses sur la concurrence, s’écroulera en 24 heures", et toujours ce sens de la formule qui fait mouche : "Vous avez besoin de quelqu’un qui n’a pas peur de passer pour Poujade, parce qu’il sait qu’il est plutôt Jaurès." Jean-François Kahn n’est pas plus mesuré dans ses propos. Il n’est simplement pas un révolutionnaire de gauche. Alors quel est le point commun entre Jean-Luc Mélenchon et Jean-François Kahn ? La cristallisation de la haine autour de Nicolas Sarkozy et de la politique qu’il représente. "Le véritable problème est de savoir si l’on est contre ce gouvernement parce qu’il est de droite, ou parce que c’est un gouvernement monarcho-populiste, qui porte atteinte à ce qu’il y a de bien dans le libéralisme", explique Jean-François Kahn. La salle le hue. Amusé, il continue : "Il y a quelque chose de contre révolutionnaire à se replier, à exclure les gens qui veulent se battre avec vous. Heureusement qu’en 1789, on n’a pas refusé La Fayette sous prétexte qu’il était aristocrate". Et, déterminé à prouver que les idées révolutionnaires ne se trouvent pas là où l’on crie le plus fort, il conclut : "Même si vous gagnez le pouvoir, cette révolution ne se fera pas avec une alternance."