Nonfiction.fr publie une série d'articles sur différents débats qui ont eu lieu aux Etats Généraux du Renouveau, à Grenoble, les 28, 29 et 30 janvier 2011.
Belle affiche que celle de l’ouverture des Etats généraux du renouveau à Grenoble, vendredi 28 janvier. Ségolène Royal et Dominique de Villepin se sont assis, pendant une heure et demie, à la même table pour débattre sur le thème : 2012, un nouveau souffle pour la Vème République." Un sujet idéal pour deux personnalités politiques aux ambitions présidentielles déclarées. L’échange a rapidement pris la forme d’un débat électoral, au détriment d’un réel dialogue sur l’avenir des institutions et du renouveau du politique.
"Si je suis élue"
A priori, tout oppose ces deux énarques, issus de la promotion Voltaire : leur parti, leur vision de la France, mais aussi leur style politique. Dominique de Villepin opte pour un discours qu’il veut clair et engagé, une suite de propositions concrètes sous forme d’un programme électoral à peine déguisé. A la première question : "Le principal problème de la Vème République est-il institutionnel ou politique", il répond : "Les deux mon général". Fustigeant une République "qui a donné ce qu’elle avait à donner", sans pour autant parler d’une possible VIème, il entame chacune de ses phrases par un "Je propose" décidé : "Je propose de réformer les collectivités", "je propose que le président de région soit élu au suffrage universel", "je propose d’ouvrir davantage les conseils d’administration des entreprises aux employés". Réduction du nombre de régions, plus de démocratie locale, moins de ministres : "il faut mettre fin à la complexité française" finit-il.
Au concret, Ségolène Royal répond par l’émotion. "La République est un combat", entame-t-elle après un hommage à la révolte tunisienne qui obtient un franc succès dans la salle. Sans détour par la question des institutions, elle embraye sur "les deux jambes de la République", démocratique et sociale, sur les inégalités, sur "les agences de notation qui ont plus de pouvoir que les citoyens". Démocratie participative, non cumul des mandats, éducation : Ségolène Royal martèle ses leitmotivs, distille ses thèmes favoris mais évite soigneusement d’entrer dans le débat. Elle se lance dans un discours résolument ancré à gauche, un discours social, pour rappeler qu’elle a encore sa place dans les rangs du PS. Et le mot lui échappe presque : "Si je suis élue, je remettrai la dimension sociale au cœur de l’entreprise". Le ton est annoncé, l’ambition assumée. Nous sommes en campagne électorale, face à deux candidats.
La course au social
Et Dominique de Villepin n’entend pas lui laisser le monopole du cœur. Lorsque Laurent Joffrin lui demande s’il est un "Républicain social", on l’imagine mal répondre : "non". Pour lui, "la République doit avoir des mains", c'est-à-dire les moyens suffisants pour être efficace sur le terrain social. "C’est mon obsession : quelles mains dans l’entreprise, quelles mains dans les banlieues ?" continue-t-il, dénonçant "la parodie de dialogue" dans les conseils d’administration des entreprises. Et les deux d’enchérir sur la nécessité de "convergences" et de renouveler les débats entre tendances politiques. Dépasser le clivage droite-gauche sur des questions comme la réforme des institutions ? "Assurément" répondent-ils en chœur. Se retrouver du même côté pour une échéance décisive ? "Je ne vais pas refaire ce que j’ai fait dans l’entre deux tours" ironise Ségolène Royal. Les "jambes" de la République pour l’une, les "mains" de la République pour l’autre, le social comme étendard et la volonté de mettre fin aux divisions politiques : on craindrait presque un mariage entre le Club Villepin et la Ségosphère. Que l’on se rassure, à la première évocation d’un licenciement boursier, le divorce est consommé. Un désaccord résumé de façon lapidaire par Dominique de Villepin : "Nous parlerons toujours de bénéfices là où vous parlez de profits"