EuroCité, le think tank européen progressiste, publie une note abordant la question de la crise financière en Europe sous l'angle de la notion de "prêteur en dernier ressort" et pose l'idée d'instituer un véritable Trésor européen. En voici un résumé.

 

* Frédéric Menager, "Prêteur en dernier ressort et Trésor européen : dessiner un avenir à l'architecture financière de l'Union", EuroCité, 28.01.2011.

 

Il s'agit dans un premier temps d'explorer l"inconscient libéral des dispositions actuelles qui se trouvent de plus être également les approches les moins européennes, les plus nationales, des questions financières, laissant les Etats isolés face aux crises qui les affectent. À travers une première approche théorique qui se veut un bref historique du concept économique de prêteur en dernier ressort (PDR), notre objectif est de sonder les grandes évolutions de cette notion pour montrer à quelle vision théorique se rattache l'actuelle volonté d'éluder cette problématique et le refus d'en assurer une transcription juridique dans le cadre des traités régissant l'Union européenne.

Nous souhaitons également, en parallèle, montrer la réalité d'une mutation du cycle de crises de la sphère financière, mutation quant à la nature de ces phénomènes, mais également quant à leur fréquence, leur survenance, leur impact et aux remèdes possibles et nouvelles gouvernances des architectures financières que ces transformations exigent et qui, au niveau européen, ne nous semblent pas avoir été prises suffisamment en compte à l'issue de la crise grecque.

Enfin, notre analyse se refuse à demeurer dans la sphère de la simple critique négative qui affecterait de juger de la situation depuis Sirius sans s'impliquer dans le débat politique. Nous souhaitons également esquisser les pistes les plus crédibles et les réformes les plus urgentes pour notre environnement économique. Selon nous, si l'aléa moral est un danger qui nuit naturellement à la sécurité du système financier, il nous semble, dans le cadre institutionnel de l'Union, encore plus dangereux de ne pas définir l'identité, le rôle et la compétence d'un prêteur en dernier ressort dont nous voyons difficilement comment il ne pourrait pas se confondre avec la Banque centrale européenne (BCE). Dans un contexte de concurrence des zones économiques, au sein d'une Europe devenue la première place financière au monde, où les marchés dérivés et où l'innovation financière, parfois heureuse mais parfois hasardeuse, représentent désormais un facteur d'exposition sensiblement plus important que dans maints ensembles régionaux à la gouvernance assise et établie, un tel flou ne peut être qu'improductif et nous laisser vulnérables et désarmés.

Enfin, bien que cette idée novatrice n'ait encore été avancée que timidement par quelques personnalités, hauts fonctionnaires, politiques et économistes, et qu'elle demande un mûrissement certain quant à ses modalités et une réflexion approfondie que nous nous proposons d'engager dans les mois qui viennent avec ceux qui le souhaitent, nous prenons le pari de l'engagement en faveur de la création d'un Trésor européen, de l'émission de titres de dette européens et ce afin, à la fois, de mutualiser les dettes des pays les plus en difficulté sans que les peuples n'aient à en assumer à eux seuls le fardeau, et, en outre, de permettre à terme une véritable orientation vers un budget européen accru favorisant l'investissement public, budget qui serait moteur dans les processus d'innovation en Europe et de création d'externalités positives propres aux infrastructures publiques.

Pour nous, cette réforme retranscrirait dans l'espace financier non seulement des modes d'action que nous pensons les plus efficaces en terme technique, mais, de plus, correspondrait de manière satisfaisante à notre vision institutionnelle de l'Europe où le système financier n'échapperait plus à un principe de subsidiarité clarifié et à cette éthique du projet européen qui allie à la fois Solidarité entre les peuples et Progrès social et économique, valeurs pleinement progressistes et pleinement républicaines dont l'Europe doit redevenir le creuset en véritable horizon internationaliste de la gauche