L'égalité de l'accès aux soins est un mythe et la médecine à deux vitesses est une réalité... Gérard Bardy pousse un cri d'alarme.

Classé par l'OMS comme possédant le meilleur système de santé du monde en 2000   , la France et son système de sécurité sociale sont aujourd'hui au bord de la ruine, et les choses ne sont pas prêtes de s'arranger : un cadeau de 15 milliards aux riches en juillet 2007, aucun dispositif efficace contre les fraudes médicales, et une automédication généralisée qui cause 11.000 décès chaque année. Les dispositifs solidaires dérapent et les déficits abyssaux de l'assurance maladie augmentent encore. Bref, le tableau est noir, et Le Livre noir de la Santé est là pour nous alerter.


Le plus grand malade : l'hôpital

"Faillite, pénurie de médecins, de chirurgiens et d'infirmières, matériel insuffisant ou obsolète, services d'urgence dévoyés, application désastreuse des 35 heures, manque d'hygiène dramatique, erreurs médicales en série..." À lire Gérard Bardy, l'hôpital public est un bateau ingouvernable qui tue plus que la route. Mais le dossier est difficile, car il débouche sur la remise en cause globale du système de santé.

Par exemple, que dire de l'industrie pharmaceutique qui supprime des emplois car elle serait menacée par la mondialisation ? Le secteur de la santé est un secteur en crise. En témoigne les disparités criantes qui apparaissent et une pénurie de médecins rurbains et ruraux qui se dessine : "les banlieues et la campagne font peur aux médecins. De plus, nous payons très cher les erreurs du passé tels le numerus clausus et le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité anticipée."

C'est un fait : les médecins sont découragés et les étudiants ont le "blues du businessman" : leur principale interrogation en milieu de cursus est de trouver la spécialité qui paye le plus, et peu importe la noblesse du métier. C'est donc une lente mort de la médecine générale qui s'annonce. Et pour les rares cœurs purs qui se destinent à la recherche, on connaît bien le sort qui leur est réservé dans les centres hospitaliers de recherche. Du coup, les doctorats se font outre-Rhin et les post-docs se délocalisent outre-Atlantique. Que penser d'un système de recherche qui laisse fuir ses meilleurs cerveaux à l'étranger, faute d'ambition et de moyens ?


Quelques remèdes pour une pandémie

Gérard Bardy ne fait pas que cracher dans la soupe. Et c'est tout à son honneur : nombreux sont ceux qui bavent sur les plaies sans chercher ne serait-ce qu'une boîte de pansements. Quoi qu'en l'espèce il s'agisse carrément d'une hémorragie, il ne faut pas baisser les bras ! Des solutions existent pour restaurer une médecine égalitaire et de qualité. Gérard Bardy propose deux pistes : "renforcer la place des patients" et "sortir la prévention de son ghetto".

Mais encore faudrait-il que les pouvoirs publics aient le courage de s'atteler à des réformes devenues nécessaires et que les puissants lobbies de médecins et de pharmaciens renoncent à leurs "réflexes d'autodéfense corporatistes" et cessent de faire le siège des parlements français et européen pour préserver leurs avantages sociaux et financiers. Le pari est loin d'être gagné mais l'heure n'est plus à l'inaction, l'enjeu est trop important.

Seul point négatif de l'ouvrage : Gérard Bardy propose des pistes mais pas des solutions. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut combler les déficits et améliorer le système de soins. Mais les options concrètes et applicables manquent à l'appel. Cependant, l'auteur n'a pas la prétention de révolutionner le corps médical : c'est un journaliste et un documentariste qui fut un observateur privilégié du monde de la santé et qui rend compte de ses réflexions. C'est suffisamment rare dans ce secteur   pour qu'on le souligne. Un texte de 360 pages qu'il est urgent de prendre en compte. Au moins, avec Le Livre noir de la Santé, le débat est ouvert.


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crédit photo : pierre-alain dorange / flickr.com