Depuis les accusations de plagiat dont il a fait l’objet mardi 4 janvier, Patrick Poivre d’Arvor s’était refusé  à répondre aux journalistes, récusant l’allégation selon laquelle il aurait "puisé" le quart de son Hemingway, la vie jusqu’à l’excès, dans un ouvrage de l’Américain Peter Griffin paru en 1985.

 

Il s’est enfin exprimé hier dans une lettre adressée à l’AFP et publiée sur le site Bibliobs : "Je suis sidéré par ce que j’ai pu lire ou entendre depuis 48 heures. Je suis soupçonné de plagiat pour mon prochain livre, qui ne sortira en librairie que fin janvier, sur la base d’une version qui n’est pas la bonne ni la définitive, comme l’ont expliqué mardi les Editions Arthaud qui, sitôt la faute découverte, ont réagi très loyalement en la reconnaissant et en présentant leurs excuses […] Est-ce qu’une erreur fâcheuse, assumée par l’éditeur, autorise ce déchaînement de malveillance que je constate ici ou là ? Je souhaiterais simplement être jugé sur l’ouvrage définitif que je signe et assume, qui sera très bientôt disponible pour les librairies et le public, et qui m’a mobilisé pendant dix-huit mois. J’aimerais qu’on ne juge mon livre que lorsqu’il sera publié et que me soient épargnés ces pénibles procès d’intention".

 

L’affaire a été révélée par le journaliste Jérôme Dupuis sur L’Express.fr, ainsi que dans le numéro de l’hebdomadaire sorti en kiosques mercredi 5 janvier. Il y accuse l’ex-présentateur du JT de TF1 d’avoir plagié la somme biographique, Hemingway. Au fil de sa jeunesse, de Peter Griffin, parue en 1985 aux éditions Oxford University Press, et dont la version française a paru chez Gallimard en 1989. Bien que l’ouvrage ne soit aujourd’hui plus édité, et donc quasiment introuvable, il semble bien que Patrick Poivre d’Arvor ait réussi à s’en procurer un exemplaire et s’en soit largement inspiré sans pour autant faire l’usage de guillemets et sans le faire figurer dans la bibliographie.  

En effet, selon le journaliste de l’Express, "des dizaines et des dizaines de paragraphes s’apparentent à des "copier-coller", souvent grossièrement maquillés par des inversions de phrases ou l’usage effréné de synonymes". Près de 100 pages sur les 414 de l’ouvrage de PPDA seraient ainsi ouvertement "inspirées" du travail de Griffin, avec preuve à l’appui, des fac-similés où l’on ne peut effectivement nier de troublantes ressemblances entre les plumes des deux biographes. Mais, plus encore que les indéniables similitudes de style, ce que révèle Jérôme Dupuis est un décalquage même dans la structure de la biographie signée par Patrick Poivre d’Arvor de celle de Griffin : "les enchaînements, les incises sur la grande Histoire (l’évolution du front italien, en 1917, par exemple), les descriptions de paysages (où les différentes essences d’arbre sont citées exactement dans le même ordre) ou encore les extraits de correspondance retenus coïncident parfaitement". 

 

Dès mardi, les Editions Arthaud avaient réagi dans un communiqué de presse qui précisait que les exemplaires envoyés à la presse fin décembre n’étaient le fruit que d’un "travail provisoire", et ne "correspondait pas à la version définitive validée par l’auteur". Contactée par lesinrocks.com, la maison d’édition s’est retranchée derrière les fêtes de fin d’année pour justifier cette erreur : "Une mauvaise version a été envoyée à la presse. C’était juste avant les vacances de Noël, il n’y avait personne…". 

 

Si le plagiat de l’ouvrage de Griffin finit par être avéré, il semble néanmoins qu’aucune action en justice ne sera intentée contre PPDA par Gallimard, pourtant toujours détentrice des droits de traduction. Contactée par Rue89, la juriste de Gallimard Isabelle Waygand s’est montrée extrêmement prudente quant aux éventuelles démarches de la maison d’édition dans l’ "affaire PPDA" : "C’est une accusation très grave qu’il ne faut pas prendre à la légère. Avant de pouvoir déterminer s’il y a contrefaçon, il faut procéder à une comparaison ligne par ligne. Si c’est effectivement prouvé, le traducteur peut réclamer un dédommagement", mais ajoute que "les éditeurs n’aiment pas les affaires de contrefaçon. La plupart du temps elles se règlent à l’amiable".

 

Dores et déjà tiré, selon l’Express, à 20 000 exemplaires, Hemingway, la vie jusqu’à l’excès,  sortira en librairie le 19 janvier prochain, les Editions Arthaud ayant maintenu la date prévue de parution. Il est certain que la "nouvelle version" de l’ouvrage sera très scrupuleusement examinée, PPDA étant à présent attendu au tournant par l’ensemble de la presse littéraire