La diplomatie mondiale est aujourd’hui frappée par un violent séisme, 7 sur l’échelle de Wikileaks (dont on ne connaît pas encore le sommet), occasion d’ailleurs d’un débat de fond passionnant entre partisans de et opposants à la mise à disposition du grand public de centaines de milliers de télégrammes diplomatiques volés. Le Monde, El Pais, The Guardian, Der Spiegel et le New York Times, qui ont choisi, après avoir eu accès à ces documents, d’en diffuser et d’en commenter le contenu, se sont amplement et préalablement justifiés de cette décision, en mettant en avant soit la valeur informative de télégrammes permettant une meilleure compréhension de conflits et de personnalités affectant de manière déterminante la vie des lecteurs (El Pais), soit la valeur ajoutée d’une analyse journalistique soutenue par une éthique de la responsabilité (Le Monde). Chaque jour paraissent désormais de nouveaux articles nous en apprenant un peu plus sur la position du Président de la République français vis-à-vis de la guerre en Irak, les péripéties de la classe politique ukrainienne ou la vision fortement critique des diplomates américains sur la presse française. La source d’informations apparaît presque inépuisable. Le site Wikileaks, qui a fait depuis sa création de la transparence absolue son fer de lance, aura, une chose est sûre, posée et imposée sa marque sur l’année 2010.

 

Mais à l’heure où, sous des sunlights excessifs, la diplomatie mondiale, tout au moins dans sa forme traditionnelle, vit peut-être l’une des pages les plus sombres de son histoire – non pas tant d’ailleurs du fait de l’ampleur des fuites que de ce qu’elles laissent entre-apercevoir du dessous des cartes –, la vie quotidienne et son traintrain d’affaires, de discussions et de rencontres se poursuivent inchangés dans les ambassades et les consulats du monde entier. 

 

Inchangés ? Enfin presque, car les habitants de Hong Kong et de Macao ne verront sans doute plus jamais du même œil les diplomates français nommés en poste chez eux, depuis que le dernier consul de France en date a été rappelé dans la précipitation par sa capitale. Plus qu’un simple consul, Hong Kong et Macao viennent en effet de perdre un visionnaire. Un homme qui, au moment même où il devenait il y a un peu plus d’un an pour la première fois chef de poste, laissait déjà entrevoir la fin de sa brève mais néanmoins fulgurante carrière asiatique.

 

Rappelons rapidement les tenants et aboutissants quelque peu folkloriques d’un départ précipité qui, du fait du vent de panique soufflant sur la diplomatie mondiale, est finalement passé assez inaperçu, au demeurant au bénéfice de la diplomatie française. C’est un vol de deux bouteilles de vin dans la cave du Country Club de Hong Kong – bouteilles apparemment dissimulées, selon les éléments du dossier révélés par la presse, dans le pantalon du consul général – qui serait à l’origine de son rappel d’urgence, le 23 novembre dernier, à Paris. Un vol dans "le" club de la bonne société hongkongaise, présidé par le numéro un local, Donald Tsang… 

 

Sans se prononcer sur le fond de l’affaire, on peut toutefois juger qu’il y a des plaisanteries de meilleur goût. Car le désormais ex-consul général de France à Hong Kong et Macao doit rire particulièrement jaune, lui qui n’aurait sans doute pas affirmé en septembre 2009 (dans un entretien à Aujourd’hui la Chine), s’il avait connu les conditions de sa sortie de scène, que, comme bourguignon, il avait "un ADN assez vineux". L’ex-consul doit rire jaune et surtout, avoir le goût amer que laissent les preuves à rebours malheureusement incontestables des mauvais films policiers. Car on ne saurait reprocher à un bourguignon ni d’aimer le bon vin, ni de l’assumer pleinement. Mais on pouvait difficilement imaginer qu’un consul annoncerait quatorze mois à l’avance les conditions de sa chute en répondant à une question portant sur ses passions qu’il était "un pêcheur dans tous les sens du terme"… Certes le vol ne fait pas partie des sept pêchés capitaux, mais l’envie oui. Et dans un style "jeune" on pourrait dire que ce n’est pas de pot de se faire chopper pour deux bouteilles qu’on a "pécho" lors d’une soirée.

 

Mais le plus drôle sera sans doute de découvrir dans la presse, dans quelques années, le commentaire du diplomate américain en poste à Hong Kong sur ce collègue français qui n’avait pas seulement une vision très précise de l’avenir de la communauté française à Hong Kong et Macao, mais également une vision visionnaire de son avenir à sa tête

 
 

Agat Cé