En cette période de crise, il n’y a pas que les immigrés, les minorités et les homosexuels Kenyans qui sont victimes de discrimination. Une nouvelle vague discriminatoire refait surface après des années d’absence : "le racisme monétaire". Cette notion interpelle davantage qu’elle ne fait sens aux yeux des économistes. Néanmoins, sa présence dans les journaux ne sera pas passée inaperçue. 

 

Employée pour la première fois en Europe par les économistes et les dirigeants européens qui accusaient ceux de la Bundesbank d’exercer du "racisme monétaire" à l’encontre des pays du Sud, désireux d’intégrer la zone euro, cette notion a fait son nid dans le lit des spéculateurs et commentateurs économiques.

 

Au départ, l’argument allemand était pragmatique: les pays du Sud ne sont pas suffisamment mûrs pour participer au grand projet de la monnaie unique. Si leurs arguments économiques semblent, au regard des faits actuels, ne pas être totalement injustifiés, les attaques à l’encontre du Portugal, de l’Espagne et de la Grèce frôlent la mesquinerie. Ne sont-ils pas toujours surnommés les "cueilleurs d’olives" ? Dans le même sens, un économiste anglo-saxon, resté dans l’ombre, a réalisé une prouesse verbale en inventant l’acronyme PIGS pour désigner le Portugal, l’Espagne, la Grèce et l’Irlande, censés être exposés à des crises de dette. L’économiste Frédéric Lordon, ironise sur le blog du Monde Diplomatique (février 2010) sur l’intrus irlandais. En effet, le "tigre celtique" brise le beau tableau méditerranéen des pays qui se dorent la pilule pendant que d’autres se tuent à la tâche. "Il suffit de lui substituer l’Italie, mal en point également, pour faire PIGS à nouveau en rétablissant l’homogénéité quasi-ethnique des abonnés à l’indolence méditerranéenne et à la mauvaise gestion réunies" déclare-t-il. 

 

Ces insultes peu constructives, ne cachent pas moins de réelles divergences de fonctionnement économique entre les pays. Aujourd’hui deux ont déjà chuté et les deux autres ont lancé des cris d’alerte. "A qui le tour ?" titrait Le Parisien Aujourd’hui en France dans son édition du lundi 29 novembre.

 

Les agences de notations s’en amusent, dévaluant à gogo la note des pays dits "non solvables", si bien que le jeu a tourné vite à l’horreur. La peur s’est installée bien confortablement sur les marchés où l’euro est passé mercredi sous la barre symbolique des 1,30 dollars. A cela s’ajoutent des taux d’intérêts qui jouent au grand écart entre l’Espagne, qui doit désormais acquitter un taux de 5,3% pour ses obligations à 10 ans et l’Allemagne dont le taux est maintenu à 2,6% (Edition du Monde datée du jeudi 2 décembre). Les journalistes s’interrogent d’ailleurs sur une éventuelle reconstitution d’une "zone mark" délaissant tous les petits pions économiques qui gravitent autour de la première puissance européenne. Une forme de marginalisation qui en dit long sur les relations entre les dirigeants européens. En effet, à l’heure où l’on célèbre le premier anniversaire du traité de Lisbonne, les rivalités de pouvoir n’ont jamais été autant exacerbées. La question qui les tracasse tous est celle de la dette. "Qui va payer nos dettes ?" s’interroge Libération dans son édition du 30 novembre. Pas de réponse claire, mais un projet défini pour l’après 2013 (fin du Fonds européens de stabilité). La chancelière Angela Merkel a profité de la crise irlandaise pour tenter d'imposer les exigences allemandes concernant l'instauration d'un mécanisme de crise permanent impliquant les investisseurs privés. A partir de juin 2013, toutes les obligations d’Etat comporteront une "clause d’action collective" entraînant la responsabilité de tous.

 

Il est peu probable que, celle-là même, qui souhaitait l’exclusion de la zone euro des pays en situation d’insolvabilité, parvienne à convaincre les investisseurs de cette restructuration. Car, si politique discriminatoire il y a, celle-ci se pratique au sommet. A la base, la contestation fait rage. Les manifestations populaires en Angleterre et en Italie, survenant après celles de la France et de la Grèce, se propagent à toute l’Europe. Tel un corps souffrant, les citoyens européens exigent une rééducation de leurs membres et non pas une amputation. Le message est clair : les excès et dérives financières en tout genre ne doivent plus imposer un diktat économique