Le dernier ouvrage de Philippe Herzog est à double lecture: il est à la fois un récit de ses années militantes mais aussi un manifeste en faveur d'une Europe qui peut représenter, selon l'auteur, "un laboratoire exceptionnel de réinvention de la démocratie".

La trajectoire personnelle de l'auteur est singulière. Diplômé de l'école Polytechnique et de l'Ecole Nationale de la Statistique et de l'Administration Economique (ENSAE), il a longtemps été un dirigeant du parti communiste français. Il a participé au programme commun de l'Union de la gauche au cours du premier septennat de François Mitterrand. Il a également été député européen de 1989 à 1999 puis de 2000 à 2004 (groupe de la Gauche unitaire européenne).  L'auteur est aujourd'hui président-fondateur de l'association et think tank "Confrontations Europe" et conseiller spécial du Commissaire européen en charge du marché intérieur et des services financier, Michel Barnier. Ce parcours peu commun explique sans doute qu'Herzog ait du mal à se défaire de l'étiquette d'"ancien communiste converti au capitalisme".

Dans une interview récente au Nouvel économiste, il confiait: "Titulaire d'un diplôme d'ingénieur, je n'avais rien d'un ingénieur. Pour autant, je ne voulais pas rester un intellectuel discourant sur le monde du haut de son Aventin. J'ai donc adhéré au PC pour aider à la mise en place d'un projet de transformation sociale pensant à tort que ce parti était autogestionnaire alors que c'était une organisation baignant majoritairement dans un bolchévisme d'Etat. En tant que responsable du programme commun de la gauche, j'ai été un dur gardien du dogme. Mais aujourd'hui, je ne suis plus communiste".

Son projet de transformation sociale s'est déplacé sur le terrain européen. L'auteur s'interroge sur l'Union politique : est-elle "hors de portée" ou "simplement retardée" ? Il appelle à une réforme profonde de la gouvernance européenne pour faciliter la participation des  citoyens à la prise de décision. "Il ne faut pas laisser la responsabilité aux professionnels de la politique; ils sont enclavés dans les institutions nationales. Il faut tenter de former une société politique européenne active, confiante en ses desseins. C'est la tâche politique et culturelle d'une ou plusieurs générations".

La contestation du monopole du gouvernement représentatif n'est pas nouvelle chez Herzog qui a toujours plaidé en faveur d'une "démocratie de participation".  Mais elle devient plus urgente aujourd'hui alors que nous vivons, selon lui, dans une "société de défiance".

A l'échelle européenne, le problème est cependant plus complexe car se pose la question de l'attractivité des institutions européennes. Comment favoriser l'appropriation des enjeux par les citoyens ? Comment valoriser la construction politique de l'Europe ? "Il faut donner aux citoyens nationaux la capacité d'information, d'éducation, d'expression sans laquelle ils ne peuvent appréhender ce qu'est l'intérêt européen et concourir à sa formation".

Dans l'ouvrage qui n'est pas seulement une réflexion politique, Herzog propose des pistes concrètes en matière économique, sociale …pour que l'Europe, confrontée à la crise puisse répondre aux préoccupations quotidiennes des citoyens. Pour refonder l'Europe, cet enjeu est sûrement prioritaire.