Guillaume Dasquié, journaliste et co-fondateur du site geopolitique.com, a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, jeudi 6 décembre, par le juge antiterroriste Philippe Coirre pour "divulgation de secret de la défense nationale". Perquisitionné pendant cinq heures à son domicile par six agents de la DST, la veille au matin, Guillaume Dasquié est alors placé en garde à vue.

Le journaliste se voit notifier sa garde à vue au motif d'une plainte déposée contre X par Michelle Alliot-Marie, suite à la parution, d'un article intitulé "11 septembre 2001 : les Français en savaient long" dans le journal Le Monde, daté du 16 avril 2007. Dasquié y rapporte ce que détenait précisément la DGSE comme informations sur Al-Qaïda, dans les mois précédant les attentats du 11 septembre 2001.

D'après l'article Dasquié en garde-à-vue : "tes sources ou la taule !", le journaliste aurait fait l'objet de chantage mené par le sous-directeur de la DST Gilles Gray et le substitut du procureur de Paris, Alexandre Plantevin : soit il livrait ses sources, soit il était mis en détention provisoire. Vendredi soir, un communiqué du procureur général de Paris, Jean-Claude Marin, a récusé ces allégations comme "totalement  mensongères".

Interviewé hier dans l'émission Revu et corrigé, présentée par Paul Amar sur France 5, Guillaume Dasquié parle, une fois de plus, "de négociations hors procédure". Il raconte également qu'Alexandre Plantevin est venu le voir en personne dans les geôles de la DST, mercredi soir, pour une discussion à huis clos, au cour de laquelle le substitut aurait insisté pour qu'il révèle ses sources. Dasquié lui aurait alors opposé l'article 109 du Code Pénal qui donne droit à tout journaliste de ne pas les communiquer. Devant son refus de divulguer cette source, le journaliste a du subir une prolongation de sa garde à vue de 24 heures supplémentaires, décidée par le magistrat.

Bien qu'aucun des journalistes de chaîne de télévision nationale n'ait, vendredi soir, mentionné dans le journal de 20h la mise en examen de leur confrère, l'affaire Dasquié a suscité un tollé dans la profession qui dénonce une énième atteinte à la liberté d'information et au droit de la protection des sources après les perquisitions menées au Point et à L'Express en janvier 2005, à France 3 Centre en juin 2006, au Midi-Libre en juillet 2006 et la tentative avortée au Canard enchainé en mai 2007.

Par l'intermédiaire de sa porte-parole, Elsa Vidal, Reporters sans Frontières parle "d'une fragilisation inquiétante de la liberté en France". Le Syndicat National des Journalistes (SNJ), premier syndicat de la profession, dénonce "une censure moderne qui se caractérise par la criminalisation de l'enquête journalistique". Le Forum des Sociétés de Journalistes (SDJ) demande lui au président de la République que "les droits essentiels de la profession cessent d'être bafoués". François Malye, son secrétaire général, dénonce une "presse (qui) va finir par devenir un étalage de communiqués officiels". La Fédération Européenne des Journalistes (FEJ) indique, pour sa part, que la France a été de nombreuses fois condamnée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme à cet égard. La Fédération Nationale de la Presse Française (FNPF) souligne enfin que "l'utilisation de la contrainte, sous quelque forme que ce soit, y compris procédurale, pour obtenir la révélation des sources d'information d'un journaliste, ne peut que susciter l'inquiétude"

--

Voir l'émission de France 5 de cette semaine, Revu et Corrigé, présenté par Paul Amar, où Guillaume Dasquié intervient à partir de la 56ème minute

Voir également l'article de Mediapart : "Affaire Dasquié : l'Etat piétine la liberté d'informer", d'Edwy Plenel, dont la vidéo est reproduite sur le site.