Hier soir ont été décernés à Paris les Prix Pinocchio, cérémonie organisée par les Amis de la Terre, premier réseau écologiste mondial, présent dans 72 pays, et qui fête cette année ses 40 ans d’existence. Ces prix ont pour objectif d’attirer l’attention du public et des médias sur les plus gros « mensonges » des entreprises, c’est-à-dire bien souvent sur l’écart entre les discours – tous pétris de bonnes intentions – et les actions.
Depuis quelques semaines, les internautes pouvaient donc voter, dans trois catégories différentes, pour l’entreprise au nez le plus long.Avec un peu plus de 7000 votants, la troisième édition des Prix Pinocchio épingle, pour la première fois, une entreprise qui récolte plus de la moitié des suffrages : il s’agit du Crédit Agricole, dans la catégorie GreenWashing, avec 55% des votes, pour son spot publicitaire( (non diffusée en France, mais dans 80 pays et visible sur youtube)), montrant un monde apocalyptique sauvé par une banque aux investissements responsables. On y entend Sean Connery affirmer " Bank : the common sense. It’s time for green banking", et un monde paradisiaque se déroule alors, accompagné du morceau "Au matin" de Grieg – bien connu pour ses vertus apaisantes. Le problème n’est pas qu’il s’agisse d’une publicité caricaturale – on en a vu d’autres – mais bien que les investissements de la banque soient tout sauf tournés vers un avenir plus "vert " : elle a notamment signé un accord d’investissement en faveur de la méga-centrale à charbon de Medupi en Afrique du Sud, qui devrait avoir de nombreux impacts : fortes émissions de gaz à effet de serre bien sûr, mais également aggravement des problèmes respiratoires pour les populations vivant à côté, sans compter que pour alimenter ce géant, 40 nouvelles mines de charbon devront êtres exploitées, provoquant une pollution de l’air, de l’eau et des sols sur un territoire bien plus vaste.
Dans la catégorie Environnement, c’est l’entreprise française d’industrie minière Eramet qui remporte la palme, avec 39% des voix, pour son projet de développement d’une mine de nickel en plein cœur de la forêt tropicale indonésienne, dans le but de doubler sa production. Ce projet aurait notamment pour conséquence une réduction de la biodiversité, végétale et animale, et empiéterait sur le territoire d’une communauté traditionnelle, les Togutil, qui perdrait ainsi son moyen de subsistance. Rappelons au passage que le slogan du groupe est : " Des alliages, des minerais et des hommes"…
Enfin, dans la catégorie Droits Humains, c’est l’entreprise camerounaise Sosucam qui est pointée du doigt, avec 32% des votes. L’entreprise aurait en effet omis de payer des indemnités, pourtant inscrites en bonne et due forme dans un contrat, aux 12 000 personnes affectées, ne pouvant plus cultiver leur terre en raison de la culture intensive de la canne à sucre. Quant au deuxième contrat qui vient d’être signé, il prévoirait des indemnités équivalentes à 50 centimes d’euro par personne et par an…La SOMDIAA, groupe français dont dépend Sosucam, vient de publier une réponse à ces accusations sur son site, portant notamment sur la taille des populations concernées.
On aurait décidément bien besoin d’un Gepetto pour y voir plus clair
Pour en savoir plus : le site des prix Pinocchio