* Dans le cadre du partenariat de nonfiction.fr avec le site cartessurtable.eu, retrouvez une fois par semaine sur nonfiction.fr un article qui revient sur un sujet au coeur de l'actualité du débat d'idées. Cette semaine, voici un article sur les manifestations contre le projet de réforme du système des retraites. 

 

 

Et bien ça y est, c’est fait, les jeunes sont dans la rue. Lycéens, étudiants, la sanction vient de tomber sur le gouvernement. Les jeunes ne veulent pas de cette réforme des retraites et le font savoir. Ca y est, c’est fait, la jeunesse s’enflamme. Ca y est, on y est, les lycées sont bloqués.

Forcément, on se prend à rêver, lorsque l’on est leader anti-capitaliste, d’un nouveau mai 68. Mais à force d’y rêver sans cesse, à chaque grand mouvement social (l’un des derniers en date étant celui contre le CPE), on finit par réaliser que ça ne se reproduira sans doute jamais. C’est dommage pour Nicolas Sarkozy, qui rêve peut-être lui de nous faire un coup à la de Gaulle. Radicalisation du mouvement, perte de contrôle, peur des Français et revirement à droite lors des prochaines élections, pour une chambre bleu horizon. A un tel niveau d’impopularité, tous les rêves sont bons à prendre. Et puis ça serait l’occasion ou jamais de se passer de Fillon, malgré, ou plutôt justement à cause de sa plus grande popularité.

Mais revenons à nos manifestations. 3,5 millions de participants le mardi 12 octobre (même les chiffres officiels en annoncent plus de 1 million), on peut dire que le mouvement ne prend pas l’eau. Quant au gouvernement, il semble un peu perdre pied… Ou tout au moins largement patauger. Parce que le risque d’affrontement semble bien réel, et l’exécutif toujours pas prêt à céder. Qui a raison ? Qui a tort ? Qui doit faire preuve de responsabilité ? Le gouvernement qui semble s’entêter à vouloir mener la réforme à son terme ? Les syndicats qui jouent avec le feu ? Le PS, coupable d’avoir mis des jeunes de 15 ans dans la rue ? De les avoir manipulés ?

Pour répondre, quelques préalables sont nécessaires. Il serait d’abord temps que le gouvernement se rende compte que les jeunes ne se laissent pas manipuler. Et que s’ils descendent dans la rue, c’est qu’ils ont quelque chose à revendiquer. Et que s’ils bloquent leurs lycées, ce n’est pas simplement pour ne pas y aller. Après tout, cette réforme les concerne au premier chef. Ce sont eux qui, dans quelques années, vont commencer à payer pour les pensions de nos retraités. Eux qui sont justement effrayés de devoir le faire pendant un trop grand nombre d’années. Ce n’est quand même pas aux retraités d’aller manifester ! Pour eux, la boucle est bouclée. C’est bien à ceux que la réforme va en premier lieu concerner. Et donc aux  jeunes, à qui l’on reproche trop souvent d’être dépolitisés pour leur reprocher encore aujourd’hui de l’être peut-être un peu trop.

Certes, des casseurs se glissent dans les manifestations, et les "énervements" policiers font courir aux jeunes des risques non négligeables. Mais les manifestants sont-ils responsables des dérives incontrôlées de quelques agités ou des dérapages "sous contrôle" des forces de l’ordre ?

Il faudrait ensuite noter que les syndicats, certains diront assez étonnement, ont dans ce mouvement le soutien de l’opinion, dont une majorité est favorable à un durcissement des actions. Preuve tout d’abord que le sentiment d’injustice finit toujours pas l’emporter. Preuve surtout que l’injustice est telle qu’elle ne peut plus se cacher. Les Français sont même majoritairement favorables à une grève générale. Eux que l’on entend si souvent protester dès que leurs transports sont bloqués. Le gouvernement devrait les écouter un peu plus, au lieu de faire comme si de rien n’était ("désormais, en France, quand il y a une grève, on ne la remarque plus…")

Alors qui est dans la radicalisation ? Le gouvernement ou bien les manifestants ? Je pense que vous avez compris de quel côté je penchais. Il ne s’agit pas de politique ici, mais de justice pour tous les Français. Et il est peu probable que le gouvernement fasse sans ce mouvement ce qu’il est en train de faire pour le bouclier fiscal. Mentir en se cachant derrière l’exemple allemand, avant de reconnaître qu’il s’est "trompé" (pas facile à traduire la constitution depuis l’allemand). Par contre il est plus que probable qu’il cherche à faire ce qu’il est en train de faire pour le bouclier fiscal. Prendre à nouveau les Français pour des cons.

Maintenant voilà, j’ai fini, non pas que je prenne déjà ma retraite, mais il faut quand même que je pense à aller manifester