Thilo Sarrazin est-il raciste ou incompris ? 

Dans son livre l’Allemagne court à sa perte, l’ancien sénateur des finances de Berlin Thilo Sarrazin enflamme la scène politico-médiatique par ses propos tendancieux sur les immigrés. Il y décrit les conséquences pour l’Allemagne de la diminution des naissances, de la croissance des classes inférieures et de l'immigration en provenance des pays musulmans. Depuis sa parution, les grands journaux et magazines allemands relaient l'immanquable polémique et la banque de la République fédérale a remercié Thilo Sarrazin, jusqu'alors membre du comité directeur. 

Le Frankfurter Allgemeine dit de Thilo Sarrazin qu’ "il veut modeler le monde selon ses idées". Son ambition l’aurait poussé à choisir la fonction publique après ses études et son doctorat. Pour certains, il aurait voulu travailler près du pouvoir afin de faire prendre au monde la direction qu'il souhaitait. Jeune fonctionnaire ministériel, il aurait même affirmé qu’il ne suivrait pas les ordres des ministères mais qu’eux devraient s’incliner devant ses directives. En 2002, il devient secrétaire d'État du ministre des finances, puis, à partir d’avril 2009, exerce ses fonctions au sein du conseil administratif de la Deutsche Bundesbank, mais ne reste pas longtemps en poste. "Je n’ai jamais voulu être responsable d'une chose que je ne supporte pas", a-t-il déclaré. Ainsi, pour Thilo Sarrazin, ce qu’il conçoit serait correct et ce qui est correct devrait être dit et réalisé. 

Selon Die Süddeutsche, l’économiste Sarrazin a écrit dans son livre ce qu’il sait le mieux faire : des statistiques. "Quand je lis des statistiques, je ne vois personne", constate  Sarrazin, ce qui en dit beaucoup sur lui-même. La nation se révolte contre les conclusions qu’il tire de ces statistiques: "Nous n’avons pas besoin des gens qui vivent des prestations sociales, qui ne se sentent pas concernés par l‘éducation de leurs enfants et produisent à la chaîne des petites filles voilées. C‘est valable pour 70% des Turcs et 90% des Arabes à Berlin."

Thilo Sarrazin n’en est pas à son premier impair. Au printemps 2008, lorsqu’il était encore responsable de l’assainissement budgétaire de la capitale allemande alors fortement endettée, il ne faisait pas dans la finesse. Le social-démocrate avait affirmé que les chômeurs étaient trop gros et a ainsi présenté à la presse un menu, qu’il a affirmé avoir testé à la maison avec sa femme, permettant au bénéficiaire du Hartz-IV (allocation de chômage de fin de droit) de se nourrir convenablement pour moins de 5 euros par jour. Et pour ceux qui reprochaient à la ville de Berlin la température des logements sociaux qui n’excédaient pas les 16°, il recommandait de mettre un gros chandail. 

Le débat s’oriente à présent vers la liberté d’opinion 

Die Welt affirme que celui qui prendrait la peine de lire toute l‘interview de Thilo Sarrazin constaterait que ce dernier n'est pas populiste. On ne pourra lui reprocher la langue de bois. A la suite de l’article paru dans le magazine la Lettre internationale, Thilo Sarrazin a présenté ses excuses publiques en déclarant : "Je voulais décrire de façon vivante les problèmes et les perspectives de la ville de Berlin, et non pas discréditer des groupes ethniques. Si cette impression s'est imposée, je le regrette beaucoup et m'en excuse. " 

En dépit de ce mea culpa, le mal est fait. Ses propos ont provoqué un tollé et suscité un florilège de réactions. Des citations de cette interview circulent en ligne et sont utilisées comme un appel à la révolte. Mais, selon le magazine Die Welt, ceux qui feraient des reprochent à Thilo Sarrazin n’auraient que parcouru l’interview. Ses déclarations seraient certes délicates, mais Sarrazin ne serait cependant ni populiste ni raciste. Dans ce débat, l'enjeu est ailleurs : si les personnes exerçant des responsabilités n'étaient ni autorisées à réfléchir, ni à se tromper publiquement, le débat public serait nul et bête. 

Selon une interview publiée dans le Frankfurter Allgemeine le 20 septembre, Sarrazin se sent incompris. Il explique qu’il n’a pas principalement argumenté sur la base de la génétique, mais sur des développements culturels : "Je critique une croissance excessive des couches sociales sans éducation (ainsi que les couches sociales issues de l'immigration), parce que ces couches ont plus d’enfants et que des problèmes de performance se constituent. Pour cela, je revendique entre autres l’obligation de fréquenter le jardin d’enfants dès trois ans afin d'encourager l’éducation dans toutes les couches sociales, et un durcissement de l‘exigence linguistique en cas d'immigration, afin que les enfants des soi-disant classes inférieures puissent également réussir à l’école." Après tout, si les déclarations de Thilo Sarrazin se basent sur des statistiques, que nous dit le dicton, "Ne te fie pas à une statistique que tu n’as pas falsifiée toi-même " ?