En visite officielle à Paris le 8 octobre dernier, Viktor Ianoukovitch, l'actuel Président de l’Ukraine, a tenu une conférence à l’IFRI (Institut français des relations internationales) sur la politique extérieure de son pays. Succédant à un entretien avec Nicolas Sarkozy, la conférence a respecté à la lettre les usages en vigueur dans la diplomatie : quantité minimale d’informations sur les choix politiques, tactiques et stratégiques de l’Ukraine, compensée (?) par de multiples périphrases et autres formules de complaisance envers la France et l’Union Européenne.

Cette visite nous aura néanmoins permis d'apprendre que "l’avenir de la maison européenne", son "second souffle", réside, à n'en plus douter, dans son rapprochement politique et économique avec l’espace post-soviétique en général, et avec l’Ukraine en particulier ; rapprochement rendu d’autant plus pressant par la crise économique. Mettant en avant les atouts économiques de son pays - forte industrialisation, importantes ressources en matières premières, position de transit pour le gaz russe, terres fertiles et activités aérospatiales – Viktor Ianoukovitch a donc appelé de ses vœux un renforcement des relations de l'Ukraine avec l’Union Européenne, en vue de son intégration à plus ou moins longue échéance. Ce renforcement devrait notamment se traduire par un accord de suppression des visas, une réduction progressive des barrières douanières dans "trois, cinq ou dix ans" pour les marchandises les plus sensibles, et une adhésion "rapide" à l’OMC. La France aurait par ailleurs un rôle à jouer dans la modernisation du pays en intervenant sur les gazoducs, dans le nucléaire civil, et par son apparent modèle d’équilibre politique, entre centralisation et régionalisation. Sur ce dernier point, le président ukrainien souhaite en effet renforcer "l’auto-gestion locale" des régions et substituer aux élections proportionnelles un régime mixte, alliant proportionnalité et majorité, pour rapprocher les députés des "électeurs de base".

Cela dit, un nombre substantiel de points problématiques et de dossiers fâcheux n’a pas été abordé par Mr Ianoukovitch lors de son intervention. Du point de vue géopolitique, la main tendue vers l’Europe et la France en particulier ne devrait pas escamoter le récent raffermissement du partenariat stratégique entre l’Ukraine et la Russie ; raffermissement corroboré par la reconduite à 25 ans (par le Président lui-même) du bail de la flotte russe stationnée en Crimée. De surcroît, l’Ukraine refuse catégoriquement d’être intégrée à l’Otan… organisation politico-militaire dont la majorité des Etats européens fait partie. Aussi la croyance en un statut "hors-bloc" de l’Ukraine, voguant tranquillement entre son "aspiration européenne" et le "partenariat russe" renforcé, confère-t-elle peut-être à l’ingénuité. Et, d'un point de vue de politique intérieure, les multiples références du président ukrainien au caractère démocratique de son pays ne sauraient pas non plus dissimuler les difficultés - notons le ton diplomatique - rencontrées par la presse, notamment depuis son accession au pouvoir   .

Espérons, pour conclure, que les mesures « énergiques » annoncées  par Mr Ianoukovitch pour parer au déclin démographique attendu de son pays (de 46 millions actuellement, à 35 millions en 2050) rencontreront le succès escompté. Ces mesures consistant en une augmentation des salaires… et des pensions de retraites (!), nous nous permettrons in fine d'en douter