* Dans le cadre du partenariat de nonfiction.fr avec le site cartessurtable.eu, retrouvez une fois par semaine sur nonfiction.fr un article qui revient sur un sujet au coeur de l'actualité du débat d'idées. Cette semaine, voici une contribution sur la politique du gouvernement vis-à-vis des Roms.

 

Les éléments de langage politique, et les discours médiatiques qui les relaient, sont toujours charmants. Ils changent avec les saisons et prennent la couleur des arbres qui les entourent.

La fin de l’été a vu fleurir partout la "menace rom" sur la France, qui en a presque oublié son alphabet maastrichtien (vous savez, ce petit texte qui érigeait en principe de l’Union européenne les quatre libertés). Pendant que les ministres se succédaient à Bruxelles officiellement pour clarifier la position française, que le Président clamait haut et fort que la Chancelière allemande lui avait apporté un soutien que celle-ci ne se souvenait malencontreusement plus avoir exprimé, et que les circulaires du ministère de l’Intérieur étaient rapidement réécrites après quelques révélations dans la presse, les Roms étaient priés de se mettre au vert. Rien de tel pour alimenter la saga sécuritaire du mois d’août. Les Français aiment les campings, mais peu les campements. Avec la rentrée cependant, la fin de la récréation a été sonnée pour tout le monde. Les retraites sont revenues au programme, et les Roms, peu bronzés d’avoir tant bougé pendant l’été, auraient fait pâle figure face à plusieurs millions de manifestants. A l’automne, il faut toujours taper plus fort. Une menace terroriste pesait désormais sur la France. Les murs pouvaient être placardés : wanted femme d’origine maghrébine prenant les transports en commun. Vaste programme.

L’automne, donc, le temps des feuilles qui roussissent et du passage à l’orange de tous les indicateurs. Vigipirate, le retour. Rendez vous un peu compte, la Tour Eiffel évacuée deux fois en une semaine ! Bientôt la descente d’escaliers quatre à quatre sera inclue dans les forfaits des tours operators

Il n’y a cependant pas lieu de plaisanter avec les actes terroristes, tout comme il n’y a pas lieu de plaisanter avec les expulsions de centaines de Roms. Parce que les Roms sont des êtres humains, qu’ils se sont eux-mêmes nommés ainsi en 1971, comme l’a rappelé la première secrétaire du PS, parce que Rom signifie homme en hindi, et que les charters sont inhumains, ne prenant en compte ni les situations individuelles, ni les souffrances familiales. Parce que le terrorisme tue, et qu’au lendemain de la journée de commémoration des trente ans de l’attentat de la rue Copernic, on ne peut ignorer l’aveuglement des auteurs d’actes terroristes.

Mais c’est justement parce que la question de la place des Roms dans la société française est une véritable question, tout comme la problématique du terrorisme en France est une problématique sérieuse, qu’on ne peut que s’indigner de voir nos gouvernants avoir recours aux expulsions des Roms et à l’agitation d’une potentielle menace terroriste comme à des hochets politiques qu’il suffirait d’agiter pour détourner l’attention des Français de leurs craintes légitimes face à leur futur économique et social.

Mais c’est justement parce que la presse télévisuelle et la presse écrite devraient avoir pour rôle de diffuser l’information, que l’on ne peut que s’indigner que cette information soit détournée à des fins de manœuvre politicienne.

Mais c’est justement parce que les membres du groupe de Tarnac, puis la "pandémie" de grippe A avaient déjà l’an dernier été utilisés comme instruments visant à créer une peur collective, que l’on aurait pu espérer que l’estime que le gouvernement peut avoir des Français avait cette année légèrement remonté. Ce n’est malheureusement apparemment pas le cas.

Il y a parfois des couples contre nature. Et l’on sait depuis Shakespeare que ce genre d’histoires finit mal. Espérons seulement que dans la danse dangereuse que jouent depuis des mois le pouvoir et les médias, le premier essayant sans cesse de contrôler et de bâillonner un peu plus les seconds, la victime ne soit pas au final la liberté de la presse, et donc celle des Français