L’immense succès de Sarah Palin

Les primaires de mardi dernier ont profondément secoué le monde politique américain. Comme lors des primaires de l’été, les candidats conservateurs soutenus par le Tea Party Movement ont remporté plusieurs élections. Ces victoires ont frappé les esprits car elles reflètent des tensions lourdes de signification au sein du parti républicain. En effet, les battus étaient pour la plupart soutenus par l’establishment du parti républicain, tandis que les vainqueurs sont le plus souvent de complets inconnus issus des rangs des activistes du Tea Party Movement.

La seule figure républicaine qui a réussi à tirer avantage de cette crise interne est Sarah Palin, qui avait appelé à voter dans plusieurs états pour le candidat Tea Party. Cette stratégie fructueuse la crédibilise fortement pour les primaires présidentielles de 2012. Sa montée en puissance se reflète également dans la blogosphère conservatrice où Paul Mirengoff, l’une des voix les plus influentes du site Powerline, a intronisé cette semaine l’ancienne gouverneur de l’Alaska comme grande favorite pour 2012 : "The nomination is Sarah Palin's to lose. [Il en faudrait beaucoup pour que Sarah Palin perde la nomination]."  La démonstration de Powerline montre bien que, même si le parti républicain est considéré comme le grand favori des élections de novembre, il est en fait profondément affaibli à l’intérieur et en train d’échapper à ses patrons traditionnels : "The first assumption is that Palin will run… her behavior during this election season demonstrates that, at a minimum, she's keeping the option of a presidential run open. [Premièrement, je suis persuadé que Palin sera candidate… la façon dont elle se comporte pendant cette campagne prouve que, au minimum, elle ne rejette pas l’idée de se présenter].

The second assumption is that the Tea Party movement will back Palin and that she will capture most of the Tea Party vote… Where else is that vote going to go? Romney instituted a program of mandatory health insurance in Massachusetts. Huckabee was not a small government governor. Gingrich was a Washington insider. Governors who actually served out their terms probably made some tough decisions that won't appeal to Tea Party purists [Deuxièmement, le mouvement des Tea Party la soutiendra. Qui d’autre ces électeurs pourraient-ils soutenir ? Romney a institué un programme d’assurance maladie quand il était gouverneur du Massachusetts. Huckabee a beaucoup dépensé quand il était gouverneur de l’Arkansas. Gingrich est une créature du microcosme de Washington. Et les gouverneurs qui, eux, restent à leur poste jusqu’à la fin de leur mandat, ont sans doute accepté dans le cadre de leur mandat  des compromis qui ne satisferont pas les puristes du Tea Party].

The third assumption is that, backed by the Tea Party movement, Palin can win between 30 and 40 percent of the vote in many of the early multi-candidate primaries and caucuses [Troisièmement, avec le soutien du Tea Party, Palin peut gagner entre 30 et 40% du vote dans les premières primaires].

The fourth assumption is that Palin can ride a vote count of 30 to 40 percent in crowded early primaries to the front of the pack and then increase that count to 50 percent plus as the field narrow in the later primaries. John McCain's campaign in 2008 supports the view that a candidate can get out front by consistently winning 30 to 40 percent of the vote in the early, multi-candidate field.. But unless Palin self-destructs along the way, I question whether anyone in the likely field is capable of defeating her head-to-head. [Quatrièmement, Palin peut conserver ces 30-40% dans toutes les premières primaires où il y a beaucoup de candidats, pour ensuite atteindre les 50% du vote quand le nombre d’adversaires se rétrécira dans les dernières primaires. C’est ce qu’a fait McCain en 2008. A moins que Palin ne s’auto-détruise en chemin, je défie quiconque parmi les candidats probables de la vaincre lors d’un face-à-face]."

Vu le poids de Powerline dans la blogosphère de droite, de telles prédictions ne peuvent que renforcer l’effet boule de neige que l’on voit émerger autour de Sarah Palin.

L’arroseur arrosé

A gauche, les blogueurs libéraux se réjouissent de ces développements. D’abord parce qu’ils sont persuadés qu’Obama gagnerait facilement contre Palin en 2012. Mais surtout parce qu’ils voient dans ces dissensions entre parti républicain et Tea Party Movement le résultat ironique de la conduite ultra-obstructionniste et radicale du leadership républicain depuis l’élection d’Obama.

Ce ton moqueur est bien illustré par Jonathan Chait sur le site de The New Republic : "The conservative movement has spent the last 20 months sowing hysteria about President Obama's agenda. The most respectable Republicans call the president a socialist, a radical, a threat to freedom. The less respectable Republicans, many of them highly influential, call him an alien, a sympathizer of radical Islam, a conscious enemy of the United States who is trying to wreck the economy. Obama is a dangerous figure, he cannot be compromised with, and the fight against him is a twilight struggle to save the last vestiges of the Republic. [les conservateurs ont passé les 20 derniers mois à semer l’hystérie à propos du programme d’Obama. Les républicains les plus respectables le traitent de socialiste, de radical, de menace à la liberté. Les républicains moins respectables, dont beaucoup sont très influents, le traitent d’étranger, de supporter de l’islam radical, d’ennemi des Etats-Unis qui essaye de saboter l’économie du pays. Obama est dangereux, on ne peut pas passer des accords avec lui, et la lutte contre lui est une lutte jusqu’au bout pour sauver ce qu’il reste de la République]." And so it has been amusing to watch Republicans as they desperately attempted to persuade Republican voters in Delaware to support moderate Mike Castle over Christine O'Donnell. The political logic is obvious: Castle would have been a near shoo-in to win, while O'Donnell is a near shoo-in to lose. Castle may be a moderate, but half a loaf is better than none. [Il est donc très amusant de voir les républicains essayer maintenant de persuader les électeurs républicains dans le Delaware de soutenir le modéré Mike Castle plutôt que la candidate Tea Party Christine O’Donnell. Leur logique politique est évidente : Castle l’aurait certainement remporté dans l’élection de novembre, alors qu’O’Donnell est sure de perdre. Castle est peut-être modéré, mais mieux vaut une moitié de quelque chose que rien du tout]. But the Republican base has been taught not to think this way. This isn't just politics, remember ? This is a twilight struggle for freedom. [Mais on n’a pas appris à la base républicaine à penser comme ça. Vous vous rappelez ? Il ne s’agit pas de politique. C’est une lutte à la mort pour la liberté].

And so Republican elites found themselves with just a few frantic days to undo the toxic and intoxicating effects of 20 months of relentless propaganda. Vote for the man who compromised with evil! The true conservative can't always win! They couldn't do it. [Et donc les élites républicaines se sont retrouvées à quelques jours des primaires à essayer de diluer les effets toxiques de leur propagande des 20 derniers mois. Votez pour l’homme qui parfois passe des compromise avec le mal ! Parfois, le vrai conservateur ne peut pas l’emporter! Et bien ils n’ont pas réussi à le faire]."

Mais, à la fin, qui sont ces Tea Partiers ?

Comme la presse traditionnelle – et comme des millions d’Américains – les bloggers se demandent : qui sont les Tea Partiers ? Qui sont ces gens qui semblent être sur le point de réussir une OPA sur le vieux parti républicain ?

Nombre de blogueurs insistent sur les dimensions originales du mouvement. Mais dans un poste très éclairé, Andrew Sullivan (sur son blog The Daily Dish) préfère prendre du recul afin d’analyser le contenu idéologique du mouvement. Et là, il n’est pas très impressionné : "Yes, they are, for the most part, emphasizing economic and fiscal issues, which is wonderful, even though they have no actual realistic plans to cut spending by the amount they would have to if taxes are not to rise [C’est vrai, la plupart d’entre eux insistent sur les questions économiques et fiscales, ce qui est très bien, même s’ils n’ont aucun plan réaliste pour réduire les dépenses dans les proportions qui seraient nécessaires vu leurs refus d’augmenter les impôts]. But that does not mean they have in any way forsaken the social issues substantively. Name a tea-party candidate who is pro-choice. Name one who backs marriage equality. Name one who has opposed torture… [Mais cela ne signifie pas qu’ils ont complètement abandonné les questions sociales. Donnez-moi le nom d’un candidat Tea Party qui est pour le droit à l’avortement. Nommez-en un qui soutient le mariage gay. Nommez-en un qui a condamné l’usage de la torture contre les prisonniers islamistes.]

I welcome the belated right-wing opposition to out-of-control government spending. But the one thing you have to note about tea-party fervor is that none of it existed when they had real leverage over a Republican president, who spent us into bankruptcy. [Je suis content de voir enfin une opposition de droite face aux dépenses incontrôlées du gouvernement. Mais il faut aussi remarquer qu’il n’y avait aucune agitation Tea Party quand ces gens auraient pu avoir une réelle influence sur un président républicain qui a tellement dépensé qu’il nous a amenés à la faillite.]"

Les dernières semaines avant les élections seront sans doute consacrées à tenter de percer le mystère idéologique des Tea Partiers, afin de mieux comprendre les idées de ces nouveaux venus. Ce qui ne sera pas chose facile vu que les vainqueurs Tea Party de mardi dernier refusent de parler à la presse. Ces croisés de la droite extrême auraient-ils donc des choses à cacher au peuple? Ou ne sont-ils simplement pas prêts à se frotter au ‘vrai’ monde de la politique américaine ?