La perspective de voir les Républicains remporter les mid-terms de Novembre pousse la blogosphère américaine à s’interroger sur les répercussions concrètes de cette victoire.
L’économie
Bien sûr, les Républicains insistent beaucoup sur la terrible situation économique des Etats-Unis dans leur campagne. Les chiffres sont si mauvais qu’il leur semble suffisant de dénoncer les politiques d’Obama plutôt que de proposer des alternatives. Sur son blog, David Frum, l’un des très proches conseillers de Bush à la Maison Blanche, refuse de voir en ce silence une simple stratégie électorale de la part des Républicains. Il adopte plutôt une position critique et dénonce les graves insuffisances conceptuelles de son camp en matière économique, insuffisances en grande partie responsable de la crise immobilière et de la catastrophe qui l’a suivie : "It would have been hard to depict the Bush economic record as very much of a success [c’est difficile de décrire le bilan économique de Bush comme très positif]. Employment was up, the Dow was up, but median incomes still lagged behind 2000 levels [Le chômage a baissé, la bourse a augmenté, mais les revenus moyens étaient inférieurs à leur niveau de l’an 2000]. It was the rise in home prices that represented the administration’s main argument that its economic policies had helped the American middle class [Seule l’augmentation des prix de l’immobilier a permis à l’administration de prétendre que sa politique aidait la classe moyenne américaine]…. I don’t raise this point to cast aspersions, but to inspire thought as to how Republicans can deliver better results next time [je ne dis pas ça pour critiquer, mais pour inspirer une réflexion sur la manière dont les Républicains peuvent atteindre de meilleurs résultats la prochaine fois]. Republicans talk budgetary policy. They need to think about economic policy. The measure of success is not shrinking the deficit – that’s just a means to an end – but raising incomes [Les Républicains sont obsédés par la politique budgétaire. Mais ils doivent plutôt penser en termes de politique économique. La preuve de leur succès ne sera pas de réduire le déficit – c’est juste un moyen d’arriver à une fin – mais d’augmenter les revenus]. We need an open discussion about why our policies failed to deliver that result in the 2000s as a preliminary to doing better after 2012 or 2016 [Il nous faut parler honnêtement de pourquoi nos politiques on échoué sur ce point dans les années 2000 afin de mieux faire après 2012 ou 2016]."
Les blogueurs libéraux ne croient pas du tout à un tel aggiornamento idéologique à droite. Il prédisent plutôt un durcissement conservateur encore plus marqué lors du prochain Congrès et anticipent même une fermeture totale des services du gouvernement fédéral, comme lors de la grande bataille budgétaire entre Clinton et le Congrès républicain en 1995, un sentiment bien illustré par Steve Benen sur le site du Washington Monthly : "Republicans have already backed themselves into a corner -- they've made the president out to be the devil; they've all but ruled compromising ; and they've committed to a path that almost certainly ends in a government shutdown [Les Républicains se sont déjà acculés eux-mêmes : ils font d’Obama le diable, ils ont écarté toute possibilité de compromis, et ils se sont engagés sur un chemin qui ne peut que se terminer sur une fermeture des services du gouvernement fédéral]. GOP leaders may have even deluded themselves into thinking that they're more popular than Obama (they're not), and that if a shutdown hurts the economy, they'll avoid blame (they won't) [Les leaders républicains se trompent quand ils pensent qu’ils sont plus populaires qu’Obama (c’est faux) et que si un blocage du gouvernement fédéral fait du mal à l’économie, on ne les en tiendra pas responsable (c’est faux aussi)]."
L’irresponsabilité républicaine
Au-delà de l’économie, la blogosphère américaine a été très secouée cette semaine par le projet d’autodafé du Coran par un pasteur floridien pour l’anniversaire du 11 septembre. Les blogueurs libéraux ont été unanimes dans leur condamnation de Terry Jones. Mais ils considèrent ce révérend comme un épiphénomène peu digne d’intérêt. Par contre, ils voient dans le fait même qu’il ait pu monter un tel projet la preuve que le ton ultra-conservateur adopté par les Républicains dans la campagne actuelle peut avoir des effets concrets dévastateurs.
Après des semaines de présence médiatique où les grands pontes du parti ont dénoncé les immigrés illégaux ou la construction d’une mosquée près de Ground Zero, leur irresponsabilité est largement dénoncée à gauche, comme sur le site de Josh Marshall, TalkingPointsMemo, où Marshall réagit ainsi après la condamnation de l’autodafé par Sarah Palin : "This is the standard approach of race haters and demagogues [Les racistes et les démagogues réagissent toujours comme ça]. They keep stirring the pot, churning out demonizing rhetoric and hate speech. Then some marginal figure does something nuts and suddenly ... oh, wait, I didn't mean burn Korans. Where'd you get that idea from? We were just saying that Islam is a violent, anti-American religion and that American Muslims should stop building their mosques and focus on apologizing for 9/11 and maybe get out of America. But burn the Koran ? No way. That's a bit much. [Ils mettent constamment de l’huile sur le feu avec leur rhétorique haineuse. Puis une figure marginale fait quelque chose de fou et soudain c’est… ‘oh, attendez, je voulais pas dire qu’il fallait brûler le Coran. Où est-ce-que vous êtes allé chercher cette idée ? On disait seulement que l’Islam est une religion violente et anti-américaine, et que les musulmans américains devraient arrêter de construire des mosquées et qu’ils devraient plutôt s’excuser pour le 11 septembre et peut-être même quitter l’Amérique. Mais brûler le Coran ? Jamais de la vie ! C’est un peu excessif’]. Actions have consequences. This isn't about one guy [Les actes ont des conséquences, c’est pas juste l’histoire d’un type]."
L’espoir malgré tout
Il est frappant de constater que malgré les sondages abyssaux pour les Démocrates, certains – à droite comme à gauche d’ailleurs – n’excluent pas une éventuelle victoire pour le parti majoritaire. La clé d’une telle victoire est bien sûr Barack Obama.
Andrew Sullivan, un blogueur conservateur ayant soutenu Obama en 2008, ne comprend pas pourquoi les Américains, en particulier ceux de gauche, sont déçus par ce président : "I can't for the life of me see how the Democrats retain the House under these economic conditions, but that cannot and does not mean that what Obama has done in his first year and a half is a failure. On the contrary [J’imagine très mal comment les Démocrates peuvent garder la Chambre des Représentants vu les circonstances économiques, mais cela ne veut pas dire que ce qu’Obama a fait pendant sa première année et demi est un échec. Au contraire]. On almost all the substantive stuff, he has in my view done the right and responsible and sane thing [Sur presque toutes les questions importantes, il a d’après moi fait ce qu’il fallait faire]. And given the legacy he inherited, what he has done is simply not enough to perform an economic or political or cultural miracle. That's the brutal truth and we have to face it [Et vu la situation dont il a héritée, ce qu’il a fait est simplement insuffisant pour réaliser un miracle économique, politique ou culturel. Telle est la brutale vérité et il nous faut l’affronter]. And if Americans thought they were voting for a savior, rather than a pragmatic president, they were deluding themselves. [Et si les Américains pensaient voter pour un sauveur plutôt que pour un président pragmatique, ils se mentaient à eux-mêmes]"
L’entrée en campagne d’Obama pourra permettre de faire passer ce message auprès de la population. Et le premier discours du président lundi dernier a, c’est vrai, insufflé un peu d’optimisme dans la blogosphère libérale. Sur Crooks and Liars, Karoli a ainsi beaucoup apprécié la remarque d’Obama qui a ajouté, à la fin d’un passage consacré à l’obstructionnisme systématique des Républicains, une petite phrase frappante : "Ils parlent de moi comme si j’étais un chien" ("They talk about me like I'm a dog.") : “The Barack Obama who showed up in Milwaukee today is the one I remember from 2008 who seemed to disappear over the past year or so [Le Barack Obama qui a parlé à Milwaukee aujourd’hui est celui de 2008 dont je me souviens et qui semblait avoir disparu depuis un an]. I was struck by how different he is when he has a crowd, it's clearly where he's most comfortable and at home [J’ai été frappé de voir à quel point il est différent quand il est devant une foule, c’est clairement là qu’il est le plus à l’aise]. I loved this small personal dig at the CEOs and Republicans who think free speech means slander and libel [J’ai adoré cette remarque personnelle contre les Républicains qui pensent que la liberté d’expression signifie le droit d’insulter]."
On est encore loin de la grande histoire d’amour qui avait uni la blogosphère libérale au candidat Obama en 2008, mais on sent que beaucoup de blogueurs ne demandent qu’à être subjugués de nouveau… comme des millions d’Américains d’ailleurs
Les Républicains sont-ils prêts ?
- Publication • 13 septembre 2010
- Lecture • 12 minutes
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