"Qui, quoi, où, quand, comment, combien, pourquoi ?" Autour de ces sept questions, Christine Colin livre dans un récent ouvrage la synthèse de trente années d’observation du design.

"Qui, quoi, où, quand, comment, combien, pourquoi ?" Autour de ces sept questions, considérées comme autant de points de vue sur l’objet, Christine Colin   livre dans un ouvrage récemment paru aux éditions Flammarion la synthèse de trente années d’observation du design.

Constatant que les artefacts qui nous entourent sont le résultat d’inspirations et de processus divers et croisés, et qu’aujourd’hui ni leur provenance géographique, ni leur "style", ni leur matériau ou leur mode de fabrication ne permettent de les classifier ou de les comprendre totalement, l’auteur imagine d’autres rapprochements possibles : des catégories transversales destinées non plus à cataloguer les objets, mais à en saisir les multiples influences.

Un ouvrage coupé en deux

Dans cette perspective, l’ouvrage est scindé en deux grandes parties, chacune étant structurée par les sept questions énoncées en introduction (qui, quoi, où…).

La première, intitulée "Portfolio", est essentiellement iconographique. Elle regroupe près de 1400 photographies d’objets issus de la riche collection du Fonds National d’Art Contemporain, par proximité de sujets ou d’aspects. Chacune des questions principales y est illustrée d’un court texte de présentation, et de plusieurs pages d’images assez denses. Le choix de l’iconographie, évident pour certains thèmes et parfois plus ténu pour d’autres, rend la lecture agréable, l’œil allant d’un visuel à l’autre et tissant ses propres liens ou proximités. Par ailleurs, ces images sont quelquefois agrémentées de citations de designers, bien choisies, qui viennent illustrer chaque thématique.

La seconde partie rassemble, quant à elle, divers textes précédemment édités, notamment dans des ouvrages appartenant à la collection "Design &…" qu’a dirigée Christine Colin de 1993 à 2007. Sans hiérarchie particulière, ces écrits explorent différents aspects des questions transversales (qui, quoi, où…) et en présentent une vision kaléidoscopique. C’est d’ailleurs là leur principal intérêt et, à travers eux, celui de l’ouvrage : chercher à saisir ce que recouvrent ces grandes thématiques, et en quoi elles sont essentielles à une bonne compréhension du design aujourd’hui. Autrement dit, qu’est-ce qui se cache derrière le qui, le quoi, le où, etc.   ?

Assez inégaux, en taille comme en intérêt, ces textes permettent dans leur ensemble de déployer la réflexion dans plusieurs directions, tissant ainsi une trame globale plutôt cohérente. Cependant, leur mise en page, plus dense que celle de la première partie, ainsi qu’un changement de police de caractère et de type de papier (moins lisse), donne la curieuse impression d’un ouvrage coupé en deux, sans que le lecteur ne comprenne véritablement pourquoi. Ayant pour effet de reléguer la partie plus théorique et textuelle au second plan, cette scission paraît en effet curieuse dans un recueil dont la vocation est de fédérer plusieurs éléments – réflexions écrites ou visuelles – autour de questions fortes.

Le livre de design a-t-il bien été "designé" ?

Question(s) design déploie, on ne peut qu’en féliciter l’auteur, un discours riche et pertinent sur le design, et regorge d’exemples démontrant la vitalité de la discipline et la multiplicité de ses expressions.

En tant que lecteur, ou même en tant qu’ "utilisateur" (puisque le livre parle de design, autorisons-nous cette analogie !), on regrettera par contre que son fonctionnement, non linéaire et proposant divers croisements et/ou rapprochements, soit peu explicite et peu expliqué. Il en résulte la sensation d’un contenu foisonnant, mais dont l’accès n’est pas immédiat. Par exemple, seul le sommaire, au travers de quelques lignes imprimées dans une police de caractère très petite, permet de comprendre ce que contiennent exactement les deux grandes parties et la source des éléments (visuels ou textes) qui y sont présentés. Il manquerait presque ainsi, à notre sens, une sorte de mode d’emploi qui permettrait de mieux saisir le découpage de ce livre, en explicitant par exemple le rapport qui existe entre ses deux différentes parties, ou le type de relation à rechercher entre les divers éléments qui y sont exposés.

Par ailleurs, Question(s) design se voulant méthodologie, on aurait également pu s’attendre à un ou plusieurs croquis, tableaux, schémas ou fiches de synthèse, reprenant et résumant la méthode exposée et les problématiques qui lui sont associées. Ces éléments seraient en effet venus comme autant d’échos à la "boîte à outils pour observer la masse des objets modernes et contemporains et pour tenter de comprendre l’origine de leurs formes" que nous promet la préface.

En conclusion, nous pourrions dire que les vraies qualités de l’ouvrage sont, nous l’aurons compris, de proposer une large et belle iconographie, mais aussi de lister précisément les questions majeures qui traversent le design aujourd’hui. Sa limite, par contre, est de parfois vouloir trop en dire, et de fragmenter un propos qui aurait pu, probablement, explorer davantage les croisements et fournir quelques clés méthodologiques plus explicites quant à la compréhension de la production actuelle. La méthode imaginée par l’auteur aurait ainsi, à titre d’exemple, certainement gagné à être mise en application à quelques reprises, afin d’en démontrer la pertinence