Par Christine Rosen, chercheuse. Traduit de l'anglais par Laura Pynson, coordinatrice du pôle numérique à nonfiction.fr.
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Les quelques études qui ont émergé ne sont pas rassurantes. Le chercheur Rob Nyland de l’université Brigham Young a récemment sondé 184 utilisateurs de réseaux sociaux sur internet et découvert que "les gros usagers se sentent moins impliqués dans la communauté qui les entoure". Il trouva aussi que "au fur et à mesure que les individus utilisent les réseaux sociaux pour se divertir, leur niveau d’investissement social baisse". Une autre étude récemment menée par le professeur en communications Qingwen Dong et ses collègues de l’université du Pacifique montre que"ceux qui s’engagent dans des échanges romantiques sur MySpace ont tendance à avoir un faible degré d’intelligence émotionnelle et d’estime de soi".

Les implications des penchants narcissiques et exhibitionnistes des membres de réseaux sociaux méritent également d’être considérées. Il y a un prix à toutes ces heures passées à s’arranger soigneusement sur internet. Etant donné le temps que nous dédions déjà à nous divertir avec la technologie, on peut pour le moins se demander si le temps passé sur ces sites est bien employé. En investissant autant d’énergie dans l’amélioration de notre représentation en ligne, ne manquons-nous pas des opportunités d’améliorer ce que nous sommes authentiquement ?
Nous devrions aussi prendre note de cette tendance à l’abandon du face à face au profit du contact virtuel – et, dans certains cas, une réelle préférence pour ce dernier. Aujourd’hui, beaucoup de nos interactions culturelles, sociales et politiques passent par des succédanés techniques confortables – pourquoi aller à la banque alors que vous pouvez utiliser un ATM ? (Automatic Teller Machine, distributeur automatique d’argent). Pourquoi chercher dans une librairie alors que vous pouvez simplement consulter la sélection personnalisée qu’Amazon.com a fait pour vous ? Dans le même esprit, les sites de réseaux sociaux sont souvent de pratiques prothèses pour les amitiés et communautés hors ligne. Dans ce contexte on peut se rappeler l’observation que fit Stanley Milgram en 1974 à propos de ses expériences sur l’obéissance : "la psychologie sociale de ce siècle nous donne une leçon majeur", écrit-il. "Souvent ce n’est pas tant le type de personne que nous sommes que le type de situation dans laquelle nous nous trouvons qui détermine notre comportement".

De plus en plus, nous trouvons et formons nos amitiés et nos communautés dans le monde virtuel autant que dans le vrai monde. Ces réseaux virtuels étendent immensément nos opportunités de rencontres, mais ils pourraient aussi dévaloriser l’habilité à une relation authentique. Comme l’admettait une jeune femme dans le Times, "je troque de façon notoire les vrais contacts humains pour la griserie plus sûre des sourires sur MySpace, des clins d’œil sur Match.com et des coups de coude sur Facebook". Qu’elle trouve ces relations en ligne plus "sûres" est éloquent : cela montre le désir d’éviter la vulnérabilité et l’incertitude qu’implique une vraie amitié. L’intimité vraie n’est pas sans risques – risque qu’on nous désapprouve, qu’on nous blesse, qu’on se joue de nous. Les réseaux sociaux qu’offre Internet rendent peut-être les relations plus sûres, mais le fait qu’elles soient toujours humainement satisfaisantes reste à prouver.


Traduit Laura Pynson.

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