La première partie de la revue est consacrée à une perspective plutôt juridique chargée de la définition générale de ce qu’est un service public, avec notamment deux très bons articles d’Éloi Laurent ("L'intérêt général dans l'Union européenne : du fédéralisme doctrinal aux biens publics européens ?") et de Dorian Guinard ("De l’indéfini à la fonctionnalité : réflexions actuelles sur la notion de service public"). Ces deux articles ont l’avantage de bien traiter du caractère évolutif et socialement construit de la définition du service public. L’évolution de cette définition doit d’ailleurs beaucoup à l’Europe, ce que montre bien Jean-Claude Boual ("Europe et service public"). Enfin, David Flacher et Hugues Jennequin ("Ouverture à la concurrence et service universel : avancées ou reculs du service public ?") permettent de faire un bon bilan des débats sur les notions de "service public" et de "service universel" en les replaçant dans les évolutions réelles qu’a connues le secteur public en Europe.
La deuxième partie porte alors plus sur l’approche économique du service public, notamment dans son opposition possible au marché. Les fondements et les enjeux économiques des privatisations sont bien montrés par Frédéric Marty ("La privatisation des services publics : fondements et enjeux") tandis que leur bilan économique en France est admirablement dressé par Michel Durupty ("Les ouvertures de capital des entreprises publiques"). Différents exemples sont ensuite donnés des complémentarités, plus ou moins heureuses, pouvant exister entre l’idée d’un service public et de sa mise en œuvre par des entreprises en concurrence sur un marché, avec l’exemple des postes ("Les grands défis de la poste française", interview de Jean-Paul Bailly et "L’européanisation du service public postal" par Pierre Bauby), de l’éducation ("Le service public de l’éducation face à la logique marchande" par François Dubet) et de l’insertion des chômeurs ("Confier les chômeurs au privé : leçons des expériences internationales" par Nathalie Georges).
Après deux parties admirables, surtout grâce aux articles précités, la troisième partie conclusive est finalement la plus faible. Relevant plus d’une approche politique, elle permet d’insister sur la nécessité d’une évaluation des services publics avant toute réforme véritable. L’exemple de l’insertion des chômeurs ("Réformer le service public de l’emploi : une fenêtre d’opportunité" par Jean-Claude Barbier) et des transports ("Personnels et usagers des services publics : des relations transformées ?" par Françoise Dreyfus) illustrent ainsi les conditions nécessaires aux réformes du service public. Un éclairage final est alors porté sur les transports par le biais de la question du service minimum. Il est à ce titre intéressant de voir que l’article défendant la loi du 2 août 2007 sur le service minimum ("Service minimum : nos voisins l'ont instauré sans drame", par Elisabeth Auvillain) ne rentre pas dans ses détails pratiques d’application, au contraire de l’article critiquant la réforme ("Service minimum : la loi inutile" par Anicet Le Pors). Ces deux articles finaux ont le mérite de montrer implicitement tout l’intérêt de cette revue : en effet, il est toujours nécessaire de croiser les regards sur l’économie pour mieux en comprendre les enjeux.
Précisons enfin que le site Internet de la revue dispose de nombreuses ressources : notes de lecture, fiches synthétiques sur des notions d’économie, articles complémentaires aux numéros parus, ainsi que d’un blog alimenté très fréquemment par les rédacteurs de la revue, commentant l’actualité économique et politique avec un regard critique et distancié.
* "Bientôt privés de service public ? Enquête sur la mutation des services publics", Regards croisés sur l'économie, n°2, 10 euros, 220 pages
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