Dix ans déjà que la bibliothèque numérique "Les classiques des sciences sociales" poursuit son œuvre de numérisation et de diffusion des savoirs aux publics francophones. Utilisé au Canada mais aussi en Côte d’Ivoire, au Maghreb et en France, le site permet un accès en téléchargement libre et gratuit à plus de 4000 ouvrages de sciences sociales. Retour avec Jean-Marie Tremblay, fondateur de cette bibliothèque numérique, sur cette formidable aventure et sur le débat actuel autour de la numérisation des livres.

 

Nonfiction.fr- Comment avez-vous eu l’idée de fonder la bibliothèque numérique "Les Classiques des sciences sociales" ?
 
Jean-Marie Tremblay : J’enseigne la sociologie depuis 34 ans déjà. C’est parce que je suis professeur que l’idée m’est venue de créer une bibliothèque numérique. Comme j’avais en 1985 repris goût au travail grâce à l’arrivée du Macintosh, c’est bien naturellement que le numérique s’est installé dans ma vie. Dès 1992, j’ai commencé à numériser des textes de sociologie pour mes élèves. Peu de mes étudiant(e)s possédaient un ordinateur à l’époque et presque personne n’était branché sur internet. J’ai toujours eu du plaisir avec mes élèves, mais cela ne suffisait pas. Ce n’était pas assez. J’avais beau leur préparer des bases de données, du matériel numérique pour s’initier à l’analyse sociologique, ça ne comblait pas mon désir d’être utile.
Dès que j’ai senti que mes élèves étaient assez nombreux à être branchés au réseau internet, l’idée m’est venue de créer mon site pédagogique sur internet et dès 1998, je commençais à numériser des œuvres plus importantes, des œuvres classiques en sociologie, anthropologie, histoire, économie politique, science politique, philosophie et psychanalyse. C’est parce que je voulais rendre ces œuvres accessibles à mes élèves, en numérique et à distance, que l’idée m’est venue de créer un site spécialisé en sciences sociales. En fait, ce serait une véritable bibliothèque numérique.

Face à la fragmentation du savoir, à l’émiettement des connaissances, j’avais besoin de retourner aux œuvres fondatrices de nos disciplines, celles d’Émile Durkheim, de Marcel Mauss, de Montesquieu, Tocqueville, Proudhon, Marx, Engels et combien d’autres encore. Et l’idée des Classiques des sciences sociales m’est tout naturellement venue. Je voulais bien tout faire bénévolement, mais je ne pouvais assumer les coûts d’un serveur internet et d’une bande passante. Déjà mon site internet avait à l’époque une bande passante de 150 mega octets par mois et on me facturait. Et je ne voulais surtout pas d’un site internet où on soit inondé de publicité. C’est donc naturellement que j’ai pensé à une coopération avec une institution d’enseignement supérieur et l’Université du Québec à Chicoutimi —notre université régionale— disposait déjà de toute la logistique et de l’infrastructure pour accueillir Les Classiques des sciences sociales.
 
Nonfiction.frPourquoi avoir choisi la gratuité ?
 
Jean-Marie Tremblay : Lorsque j’étais enfant, je voulais devenir “missionnaire”, faire le bien, aider, contribuer à la réduction des inégalités sociales. Lorsque j’ai commencé, à l’âge de 50 ans, ce qui allait devenir Les Classiques des sciences sociales, j’ai eu le sentiment d’avoir retrouvé mon “âme” —excusez l’expression, pour un agnostique, je devrais dire mon essence, m’être reconnecté à mon idéal d’enfant—. Mon idéal était d’aider, de partager, non de m’enrichir. Mon salaire d’enseignant n’était pas très élevé, mais nous ne manquions de rien. Je viens d’une grosse famille et cela nous apprend à partager et nous entraider.
Partage des connaissances, accès aux savoirs et gratuité allaient ainsi de soi. Je ne pouvais envisager les choses autrement. Vous imaginez un(e) étudiant(e) qui doit payer pour l’accès à un livre, qu’il soit dans une petite ville d’ici ou dans un lycée ou un cybercafé au Madagascar. La gratuité permettait à tous, de tous les milieux, d’accéder librement à ces connaissances. C’était mon intention de départ et je n’y ai pas dévié.
 
Nonfiction.fr- Pourquoi avez-vous choisi de rendre disponible des livres uniquement en français ?
 
Jean-Marie Tremblay : Je suis né au Québec, dans une petite ville de région. Je parle français et ma culture est française. J’ai étudié en français. Nous sommes francophones sur un continent où l’anglais domine. Nous avons beaucoup de chercheur(e)s de grande qualité et d’excellents professeur(e)s d’université. Si au départ, je voulais rendre accessibles les savoirs en sciences sociales, les œuvres classiques notamment, je voulais aussi contribuer à la diffusion de notre patrimoine intellectuel en diffusant les publications des intellectuel(le)s québécois notamment. Et ils sont nombreux à publier en français.


Cela ne nous empêche pas de diffuser des œuvres en anglais lorsqu’un(e) chercheur(e) publie en langue anglaise. Mais la mission que nous nous sommes donnée est de diffuser la culture scientifique de langue française. Je voulais diffuser les publications des chercheur(e)s québécois pour contribuer à la présence du français sur internet. Diffuser des travaux scientifiques de langue française contribuerait, selon moi, à la vitalité de la langue française et sa présence sur internet. Si l’on veut préserver notre culture et notre langue, nous devons être présents sur internet.
 
Nonfiction.fr-  À qui s’adresse ce site ?
 
Jean-Marie Tremblay : Lorsque j’ai créé cette bibliothèque numérique, c’était pour faciliter la vie de mes élèves en leur rendant accessibles des études de scientifiques des sciences sociales, des sciences psychologiques et de la philosophie. Ce site est essentiellement à caractère éducatif, un site à l’intention des étudiant(e)s, chercheur(e)s et professeur(e)s de collège, de lycée et d’université. C’est donc une bibliothèque destinée aux études supérieures. Mais les internautes curieux y trouveront plein de travaux et publications susceptibles de les intéresser et de les aider à comprendre la société dans laquelle nous vivons, les êtres humains, sans oublier les travaux des philosophes.
L’avantage de cette bibliothèque, c’est qu’elle est accessible à distance, pourvu que l’on soit branché au réseau internet.
J’oubliais, même les étudiant(e)s non-voyants profitent de cette belle bibliothèque grâce à la reconnaissance vocale et à la conversion sur clavier braille des textes disponibles en traitement de textes.
 
Nonfiction.fr- Ce site est-il reconnu par les universitaires au Québec et en France ?
 
Jean-Marie Tremblay : Non seulement Les Classiques des sciences sociales sont une bibliothèque connue dans le monde de l’éducation mais reconnue par les chercheur(e)s, les professeur(e)s et les étudiant(e)s, et aussi par les bibliothécaires.
Le travail réalisé par les bénévoles est de grande qualité. Nos sources sont toujours bien identifiées et tous peuvent vérifier l’intégrité des œuvres mises en ligne. En fait, puisque notre travail est artisanal et que toutes les œuvres mises en ligne me passent entre les mains, je suis en mesure d’assurer l’intégrité de toutes les œuvres mises en ligne. Ce qui n’est pas le cas des textes mis en ligne dans l’encyclopédie Wikipédia ou dans WikiSource.
La plus belle preuve de la reconnaissance des Classiques des sciences sociales, c’est de voir que les professeur(e)s utilisent les textes disponibles et qu’ils y réfèrent leurs étudiant(e)s. Que ce soit dans nos universités et collèges ou dans des universités et lycées dont les bibliothèques sont moins bien nanties, les professeur(e)s, chercheur(e)s et étudiant(e)s sont des milliers à m’écrire pour me faire part que Les Classiques des sciences sociales leur ont permis de poursuivre leurs études.


Nonfiction.fr- Comment fonctionne le site et avec quelle équipe travaillez-vous ?
 
Jean-Marie Tremblay : À la différence de l’encyclopédie Wikipédia, où tout est décentralisé, n’importe qui pouvant faire n’importe quel ajout, c’est tout le contraire dans Les Classiques des sciences sociales. J’ai commencé tout seul cette aventure. Tous les bénévoles qui oeuvrent ou ont œuvré à date sont toujours venus m’offrir de se joindre à moi et de participer à cette belle aventure. Nous sommes, depuis 2006, incorporés en organisme à but non lucratif et notre mission, dans nos statuts, est de donner un accès libre et gratuit aux connaissances en sciences humaines. Nous sommes un petit organisme artisanal, la plupart des bénévoles sont à la retraite, s’intéressent à la culture et peuvent travailler sur ordinateur.
L’édition numérique d’une œuvre (livre, article de revue scientifique ou chapitre d’un livre) comporte plusieurs étapes : choix des œuvres ; vérification si l’œuvre est du domaine public ou non ; demande de permission lorsque l’ouvrage n’est pas du domaine public ; numérisation et reconnaissance de caractères ; lecture minutieuse du texte numérique pour corriger toutes les erreurs de reconnaissance ; mise en page pour l’édition numérique ; enfin, mise en ligne : préparation des pages web pour accueillir l’œuvre numérique et annonce de l’ajout de cette œuvre dans la section Ajout. Petit mot à l’auteur ou à ses ayant-droits pour leur faire savoir que l’œuvre autorisée est maintenant en ligne.
 
Je numérise presque toutes les œuvres mises en ligne dans Les Classiques des sciences sociales et j’en fais la mise en page.
Toutes les œuvres mises en ligne passent par moi puisqu’il n’y a que moi qui ait accès au serveur internet du site Les Classiques des sciences sociales. Si j’ai commencé seul cette aventure, aujourd’hui nous sommes quelques-uns à y œuvrer sur une base journalière. Nous sommes des artisans. Rien n’est automatisé. Tous les textes sont lus et relus par des bénévoles pour éliminer toutes les erreurs de reconnaissance. Tous les textes que nous diffusons sont téléchargeables gratuitement et librement dans tous les formats disponibles.

 

Nonfiction.fr-  À la différence des "classiques", la section sur les "contemporains" contient peu d’ouvrages de chercheurs européens. Comment l’expliquez-vous ?
 
Jean-Marie Tremblay : Deux raisons expliquent que les chercheurs québécois soient plus nombreux que les chercheurs européens dans la collection “les sciences sociales contemporaines”.
La première raison et la plus importante, c’est que dès le départ j’entendais diffuser les œuvres des auteurs classiques (Durkheim, Tarde, Spencer, Saint-Simon, Tocqueville, Montesquieu, Machiavel, Descartes, Bergson, Alain, Mauss, Maspero, Granet, Marx, etc.), mais je voulais aussi diffuser les travaux des chercheurs contemporains en sciences sociales, notamment les travaux des chercheurs québécois, puisque ce sont eux que je connais le mieux. Pour diffuser des œuvres qui ne sont pas du domaine public, —ce qui est le cas de tous les chercheurs contemporains—, il me faut obtenir leur autorisation de diffuser dans Les Classiques des sciences sociales ou, s’il sont décédés il y a moins de 50 ans, l’autorisation de leurs ayant-droits.
Dès que j’ai commencé à communiquer avec les chercheurs québécois, notamment Roch Denis, Marc-Adélard Tremblay, Léon Dion, Guy Rocher, Nicole Laurin-Frenette, Gilles Bourque, Gérard Bergeron, entre autres, leur réponse a été immédiatement favorable et enthousiaste à l’endroit de l’œuvre que j’avais créée, Les Classiques des sciences sociales.
En fait, les chercheurs québécois sont extrêmement favorables à la diffusion, en accès libre et gratuit, de leurs publications dans une bibliothèque numérique comme la nôtre. Leur réponse est rapide et limpide.

Quant aux chercheurs européens, c’est beaucoup plus difficile de les joindre et ils sont beaucoup plus hésitants à mettre leurs œuvres en ligne sur internet. Pour de nombreux chercheurs québécois, rendre leurs œuvres accessibles en ligne, librement et gratuitement, dans une bibliothèque comme la nôtre, c’est un juste retour des choses. Puisque ceux-ci ont été subventionné par l’État, donc la collectivité, pour réaliser leurs recherches, que celles-ci deviennent accessibles aux gens qui ont permis leur réalisation par les deniers publics dont les chercheurs ont bénéficié, devient un juste retour des choses.
J’ai communiqué, par l’intermédiaire d’un professeur de l’Université Laval, Pierre Maranda, anthropologue, ami de Claude Lévi-Strauss, avec Claude Lévi-Strauss pour lui demander sa permission de diffuser certaines de ses œuvres épuisées ou non rééditées. Celui-ci s’est montré tout à fait opposé à toute diffusion numérique de ses œuvres. J’ai communiqué avec les ayant-droit de Pierre Bourdieu. Jamais de réponse. J’ai communiqué avec Jean-Claude Passeron. Celui-ci s’est montré intéressé, mais cela semble tellement compliqué que finalement nous n’avons obtenu la permission de diffuser qu’un petit article de lui.

Par contre, j’ai écrit à des chercheurs et professeurs d’université, notamment Laurent Muchielli, Philippe Combessie, Robert Fossaert et leur réponse a été immédiatement favorable et enthousiaste. Lorsque j’ai écrit à M. Serge Moscovici un samedi soir, dès le lendemain matin, je recevais un courriel me disant : “Vous pouvez diffuser toutes mes publications dans Les Classiques des sciences sociales”. Après dix ans d’existence maintenant, les chercheurs européens se montrent plus favorables qu’auparavant, mais beaucoup moins que les chercheurs québécois. Je suis convaincu qu’il y a une différence de culture et d’attitude face à la publication et la diffusion numérique.

 

Nonfiction.fr : Le site comporte un certain nombre de sections comme "méthodologie des sciences sociales", "Chine ancienne", "criminologie" et même des sujets très spécialisés comme "Histoire du Saguenay-Lac Saint-Jean". Comment ce choix de sous-collections s’est-il opéré ?
 
Jean-Marie Tremblay :
Lorsque l’idée de créer cette bibliothèque numérique m’est venue, mais surtout de la rendre publique sur internet, j’avais en tête deux collections : les auteurs classiques (tels Émile Durkheim, Marcel Mauss, Pierre Janet, Montesquieu, Alexis de Tocqueville, Alain, Henri Bergson, Emmanuel Mounier, Bachelard, etc.), mais aussi les chercheur(e)s contemporains en sociologie, économie politique, science politique, criminologie, anthropologie, histoire, géographie, philosophie et psychanalyse. Dans les auteurs contemporains, je pensais notamment à Guy Rocher, Marc-Adélard Tremblay, Nicole Laurin-Frenette, Renée B.-Dandurand, Robert Fossaert, Roch Denis, Rémi Savard, Hélène David et combien d’autres encore.
 
Les collections et les sous-collections sont des portes d’entrée dans la bibliothèque. Au lieu d’être organisée autour d’une fenêtre de recherche —par auteur, titre, sujet, par exemple—, la bibliothèque est organisée par collections. Dans la collection des auteurs classiques, on ne trouvera que des œuvres qu’on pourrait dire “classiques”, d’auteurs décédés : Sigmund Freud, Henri Maspero, Marcel Granet, Karl Marx, Proudhon, Georges Dumas, Marcel Mauss, etc. Dans la collection des auteurs contemporains, essentiellement des professeurs d’université et des chercheurs universitaires dans les mêmes domaines. On diffusera donc des œuvres des fondateurs de la criminologie (dans la collection des auteurs classiques), tels Beccaria, Enrico Ferri, Garofalo, Lombroso, Scipio Sighele et Gabriel Tarde, mais aussi des chercheurs contemporains en ce domaine : Denis Szabo, Laurent Muchielli, Jean-Paul Brodeur, Philippe Combessie, Maurice Cusson, Marie-Andrée Bertrand.
Après les auteurs classiques et les auteurs contemporains, ce fut la collection que j’ai intitulé : “Désintégration des régions”, essentiellement des œuvres centrées sur le processus de mortalité des régions périphérique à la métropole. Je voulais mettre en évidence les travaux centrés sur cette problématique.
Ensuite mon ami, Bernard Dantier, sociologue français, m’a proposé de créer une collection en méthodologie des sciences sociales et j’ai accepté. La collection “Histoire du Saguenay-Lac St-Jean”, parce que c’est notre milieu de vie, notre ancrage.
La collection “Documents” regroupe des textes qui peuvent servir de document d’études. Ce ne sont pas des études, mais ils peuvent constituer un matériau d’étude.
Quant aux sous-collections, elles sont là pour donner le goût de découvrir les œuvres disponibles sur des objets particuliers : l’anthropologie médicale, la sociologie de la santé, la sociologie de la famille, la Chine ancienne, la période de la Révolution française ou encore les sociétés créoles. La prochaine sous-collection à être créée concernera la sociologie religieuse.

Les sous-collections permettent d’identifier, sur un sujet ou une problématique spécifique, un certain nombre d’œuvres (livres, chapitres de livre ou articles de revues scientifiques) disponibles dans Les Classiques des sciences sociales. Si on y regarde attentivement, on remarquera que sur la plupart des pages de téléchargement d’une œuvre on retrouve des liens vers des œuvres traitant du même sujet ou d’un sujet connexe. Ces liens identifient des pistes de recherche ou permettent d’approfondir le sujet étudié. Voir par exemple l’article de Jacques Beauchemin et Louise Beaudoin, “Le pluralisme comme incantation” publié dans la journal LE DEVOIR, Montréal, édition du samedi 13 février 2010, page C5 — idées. Vous trouverez des liens fort pertinents sur la culture québécoise, l’identité québécoise et le pluralisme culturel ou le multiculturalisme.
 
Nonfiction.fr-  Avez-vous eu des problèmes juridiques concernant la numérisation de certains livres, notamment chez les auteurs contemporains ?
 
Il m’arrive à l’occasion de recevoir une menace de poursuite de la part d’une firme d’avocats représentant tel ou tel éditeur pour des œuvres du domaine public au Canada. C’est le cas notamment de Droz qui m’a obligé dernièrement à retirer deux livres de Vilfredo Pareto, écrits au début du 20e siècle, du domaine public au Canada. Sans argent pour faire valoir nos droits et notre bon droit, c’est fichu d’avance dans une société mercantile et à l’argent comme les nôtres. Avec les auteurs contemporains, il m’est arrivé à quelques reprises de devoir retirer un livre même lorsque l’auteur m’avait formellement donné son autorisation, l’éditeur refusant la diffusion gratuite sur internet.

Par contre, d’autres éditeurs, Fayard notamment, m’a permis la diffusion numérique dans Les Classiques des sciences sociales en simultanéité avec l’édition papier d’un livre de Tocqueville   . De même pour les Éditions Franche-comté, pour le livre de la sociologue Colette Moreux   . Les Éditions Karthala m’ont donné la permission de diffuser deux livres, le premier de Paul Farmer   et le second sous la direction de M. Jean Benoist,   . En janvier 2010, les Éditions Téraèdre rééditaient un remarquable ouvrage publié originalement aux Éditions Liber et m’autorisaient la diffusion simultanée de l’édition papier avec l’édition numérique du livre   .
À la fin novembre 2009, les Presses de l’Université Laval nous autorisaient la diffusion de toute une collection d’ouvrages sous la direction de Fernand Dumont sur les idéologies au Canada français, une collection de grand intérêt et de très grande qualité.
Je voudrais enfin souligner que les éditeurs sont bien plus nombreux à coopérer avec nous qu’à s’opposer à nous.
 
Nonfiction.fr- Quelle position avez-vous dans le débat sur la numérisation du livre par Google?
 
Jean-Marie Tremblay : Dans le débat sur la numérisation du livre et du droit d’auteur, je suis nettement favorable à la diffusion numérique, en accès libre et gratuit des livres. Si l’on veut faire rayonner la culture scientifique et philosophique de langue française, nous devons être présents sur internet. Si nous ne le faisons pas, les anglophones, les Chinois, les Russes ou autres domineront et constitueront une force d’attraction qui attirera dans leur giron respectif les étudiants de langue française et éventuellement les chercheurs.Il faut donc que la culture scientifique soit présente sur internet. C’est un impératif de survie et une condition de son développement.
Je voudrais aussi dire qu’il ne faudrait pas laisser à des entreprises privées capitaliste s’approprier le bien public. Par exemple, Google est en train de numériser la totalité des œuvres de certaines grandes bibliothèques et de s’approprier ces œuvres aux dépends du public. Lorsque Google numérise le contenu d’une bibliothèque, dont les ouvrages ont coûté des fortunes aux collectivités pour les constituer et les préserver, et qu’il devient propriétaire des œuvres numériques, c’est systématiquement une arnaque, un vol d’un bien public aux profits d’une corporation privée milliardaire. Les bibliothèques n’ont plus aucun contrôle par la suite sur ces fichiers et n’ont plus droit de regard. Il faut donc défendre le bien public et l’intérêt public et s’opposer à toute privatisation de ce bien public

 

Propos recueillis par Mathieu Gaulène.