Moins d’un an après l’élection historique qui a emmené le Parti démocrate japonais (PDJ) au pouvoir, après cinquante ans de domination du Parti libéral démocrate japonais (PLD), le premier ministre Yukio Hatoyama n’a plus que 30% d'opinions favorables d'après les derniers sondages. Elu sur un programme progressiste, le Parti démocrate japonais a pu réaliser certains projets, notamment la création d’allocations familiales, mais est aujourd’hui stoppé en plein élan par son manque de popularité.

La presse nippone souligne notamment le manque de leadership dont souffrirait M. Hatoyama, au sein même de son propre parti. Alors que le programme prévoyait une gratuité totale des péages autoroutiers, le projet qui vient d’être décidé ne comporte finalement que 20% de péages gratuits, principalement dans des zones rurales. Le secrétaire général du Parti démocrate japonais, Ichiro Ozawa, a demandé à ce que le projet soit revu car il trahirait la promesse électorale de "péages gratuits".

Manifestations contre les bases

Mais ceci n’est rien comparé à l’ "affaire" du moment : le déplacement de la base militaire américaine de Futenma, situé sur l’île d’Okinawa. L’accord signé en 2006 par le PLD avec les Etats-Unis a été rejeté par le nouveau gouvernement. Il prévoyait le déplacement de la base de l’armée de l’air, à Henoko, au nord de l’île, dans une zone "moins peuplée". Face au mécontentement des habitants d’Okinawa, M. Hatoyama a tenté de trouver d’autres localités pouvant accueillir cette base, en vain. L’île de Tokunoshima situé à 200 kilomètres au nord d’Okinawa devait accueillir les hélicoptères de la base. Mais c’était sans compter les maires des trois principales villes d’Amagi, Tokunoshima et Isen qui ont organisé une manifestation la semaine dernière rassemblant 15 000 personnes.

Les bases militaires sont de fait un sujet de grande controverse dans la région d’Okinawa. Dimanche, une manifestation contre les bases militaires a rassemblé près de 100 000 personnes sur l’île principale d’Okinawa. Le message envoyé par les manifestants était très clair, à l’instar d’une pancarte où on pouvait lire : "Les bases militaires et l’armée, où que ce soit, on n’en a pas besoin !" (kichi guntai dokodemo iranai !).

Okinawa a été occupée militairement et administrée par les Etats-Unis jusqu’en 1972. Aujourd’hui encore, 74% des 47 000 soldats américains présents au Japon y sont concentrés dans la plus grande base militaire américaine de la région Asie-Pacifique. Les habitants de l’île sont opposés aux bases militaires en raison de la pollution, du bruit incessant des avions et des hélicoptères dans le ciel de Naha, la ville principale, mais aussi du comportement brutal des GI : depuis 1973, 5000 crimes auraient été commis sur l'île par les soldats américains. En 1995, le viol d’une fillette de 12 ans par trois soldats avait entraîné des manifestations massives contre les bases, puis l’accord de 1996 sur le déplacement de la base de Futenma.

Les errements du Parti démocrate japonais

Dépassé sur son aile gauche par le parti social-démocrate et le mouvement pacifiste, traditionnellement puissant à Okinawa, le gouvernement de M. Hatoyama se retrouve sur un terrain miné à force de vouloir concilier le souhait des habitants d’Okinawa de voir l’armée américaine quitter leur île et celui du gouvernement américain d'y rester. Quant aux relations nippo-américaines, traditionnellement sous les auspices du Traité de sécurité qui régit les relations entre les deux pays depuis cinquante ans, elles n’ont jamais été aussi mauvaises. Signe d’une certaine tension entre les deux pays, au dernier sommet sur la sécurité nucléaire, Barack Obama s’est entretenu seulement dix minutes avec son homologue japonais