Au moment des discussions autour de la révision des lois de bioéthique, Jean Leonetti propose sa vision de l'avenir bioéthique.
L’ouvrage intitulé “Quand la science transformera l'humain : 20 scénarios pour demain”, paru aux éditions Plon, a pour auteur Jean Leonetti. Ce dernier est député des Alpes-Maritimes et il est, notamment, à l’origine de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. La publication de ce livre intervient à un moment opportun : celui de la révision des lois de bioéthique. D’ailleurs, l’auteur est également rapporteur de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthiques. Il était donc à craindre qu’il s’agisse là d’un recueil des observations du parlementaire, médecin de formation, sur les dérives de la science au regard de l’Humain. Or, à l’opposé de la rhétorique des hémicycles, l’auteur met à la portée de chacun des problématiques parfois difficiles d’accès : chacun lira aisément ces nouvelles inspirées des progrès de la génétique (et surtout de ses dérives) en se forgeant sa propre opinion.
Jean Leonetti suscite assurément la réflexion du lecteur en optant pour le ton calme (parfois gentillet) d’un narrateur omniscient qui expose la complexité des sentiments de “vrais gens” aux prises avec les évolutions de la science, et en particulier celles de la génétique. Chaque histoire est présentée comme une tranche de vie, à la manière d’un court métrage, permettant de saisir l’ambivalence de situations dont l’auteur nous fait penser qu’elles sont tout à fait communes au moment de la narration.
Il en va ainsi des états d’âme d’une jeune femme, Ève, au moment de la fête des mères car elle a grandi partagée entre l’amour pour celle qui l’a élevée, la reconnaissance pour celle qui a donné ses ovocytes et l’attachement à la mère porteuse qui lui a donné naissance. De la même manière, ne peut rester indifférent à l’angoisse de Sorella (née d’un don de sperme) qui est éperdument amoureuse de Fabien à qui elle ressemble comme une sœur ; on partage ensuite les états d’âme de Jane, qui choisit sur catalogue un père pianiste pour son enfant ; puis on se glisse dans la peau de Monsieur Fosto qui aimerait revivre sa vie grâce à son clone. Sur le même modèle, dix scénarios s’enchaînent, sans suspens, mais avec un certain sens de l’intrigue.
Entre deux de ces destins fantastiques, peut-être complètement banals demain, on se surprend à poser l’ouvrage un instant (ou plus) pour méditer à ce que sera la “transformation de l’humain par la science”. On songe également à ce qu’auraient pu être les prénoms des héros des nouvelles, dont le choix manque à l’évidence de finesse dans les allusions mythiques qu’ils véhiculent.
Si l’ouvrage a le mérite d’accrocher rapidement le lecteur, ces dix “comptines futuristes” inspirent une double réserve. Tout d’abord, la promesse d’être transporté dans le temps n’est pas tenue : la majorité des situations décrites existe déjà, sinon dans la loi, mais dans les faits. Les mères porteuses, les dons de sperme ou d’ovocytes, la vente d’organes, sont autant de pratiques existantes. La véritable affaire, sous-jacente dans la préface, est en réalité celle de l’opportunité de légiférer sur ces questions… et dans quel sens.
Ensuite, si l’auteur ne prend pas parti dans les nouvelles, la morale de la “grande Histoire” n’est pas très loin. L’Homme est imparfait et, comme Ulysse, ce sont ses imperfections qui lui permettront de survivre. “La recherche obsessionnelle de la perfection porte en elle la négation de l'humanité parce qu'elle nie sa fragilité en même temps que sa diversité”, conclut l’auteur. Le progrès pour l’Humanité serait donc pour lui de ne pas rechercher la “perfection” ; peut-être parce que l’Homme a été fait à une certaine image. L’éthique étant communément admise comme la réflexion sur le bien-fondé de la norme , le récit de ce que pourraient devenir les vies de “Monsieur et Madame Tout-le-monde” s’avère peut-être plus utile en termes de morale que d’éthique. Il est en tout cas, et à n’en pas douter, une lecture à la fois accessible et stimulante pour l’esprit, ce qui n’est pas une mince qualité