Dans son édition de mars-avril 2010, Le Passe Murailles, revue de l’association GENEPI (Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées), consacre un dossier à la situation des femmes en prison, situation généralement méconnue de cette "minorité invisible" dans un univers principalement masculin. Cette situation est méconnue notamment à cause de leur nombre restreint (seules 3,5% des personnes incarcérées en France sont des femmes, soit 2051 au 1er février 2010 - la majorité de ces femmes étant condamnée pour des délits "mineurs" comme l'usage de stupéfiants, le trafic de papiers ou le vol) et d’une indistinction des sexes dans le droit français sur cette question, indistinction qui ne prend pas en compte des besoins différents des femmes par rapport aux hommes, en particulier la question des soins de santé et des enfants à charge.

Ce dossier est composé d’une vingtaine d’articles qui exposent la situation des femmes incarcérées en France et dans le monde, les questions de la mixité et de la sexualité en prison ainsi que l’image véhiculée dans la société de ces femmes qui sont "sanctionnées pour être sorties de leur rôle traditionnel", c'est-à-dire celui de fille, mère ou épouse. Cette conception repose sur une vision de la socialisation féminine propre à valoriser l’emploi du dialogue plutôt que de la violence pour résoudre les conflits, violence propre au monde masculin et exclue de la féminité ; les criminelles ou délinquantes seraient alors des femmes pour lesquelles l’apprentissage de la féminité aurait échoué : "Force est de constater que le "statut" de délinquante n'est pas conforme à l'image que notre société se fait de la femme, qui se doit d'être douce et docile". Ces femmes délinquantes sont alors souvent perçues en premier lieu comme des victimes elles-mêmes (du fait d’un manque d’éducation et d’emploi ou d’une dépendance physique et financière vis-à-vis des hommes) et elles seraient ensuite victimes d’un système pénitentiaire majoritairement masculin.

La situation des détenues en France comporte ainsi plusieurs éléments : la situation géographique des établissements pénitentiaires ayant des quartiers féminins (moins nombreux, ce qui augmente l’éloignement familial), le manque d’adaptation de ces quartiers aux besoins spécifiquement féminins (besoins médicaux principalement) et le moindre accès aux activités et à la formation professionnelles aux détenus (souvent réservés aux hommes dans les prisons comprenant des quartiers masculins et féminins).

Michèle André, sénatrice du Puy de Dôme et présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a présenté dans une interview pour la revue le rapport du Sénat sur "Les femmes dans les lieux de privation de liberté" (prisons, centres de rétention administrative et hôpitaux psychiatriques), rapport paru en décembre 2009. Ce dossier présente la situation marginale en France de ces femmes, et les différences existant entre leur situation et celle des hommes : délinquance moins "violente", moins de récidive, environnement social et familial plus défavorisé pour les femmes. Il met également en évidence deux besoins fondamentaux pour les femmes incarcérées : la maternité et la famille d’un côté et le respect de l’intimité et de la pudeur de l’autre. De plus, ce rapport expose des problèmes de réinsertion plus importants pour les femmes à leur sortie de prison. La délégation sénatoriale conclut son rapport avec trente propositions pour améliorer la situation des femmes en prison, que ce soit la question de la pudeur et de l’hygiène (limiter les fouilles au corps, améliorer les conditions d’accès à la santé), la question des enfants à charge (prestations sociales, suivi de l’éducation), la question des activités proposées en prison et la préparation à la réinsertion

 

* "Les vierges déchues, les mères et les putains. Pas de quartier pour les femmes", Le Passe Murailles, mars-avril 2010.

A voir : l'exposition "L'impossible photographie, prisons parisiennes, 1851-2010", Musée Carnavalet, du 10 février au 4 juillet 2010.