À une semaine du prochain rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), la Fondation Copernic et Attac ont tenu mercredi 7 avril une conférence de presse, en présence de personnalités de la gauche dont Alain Lipietz pour les Verts et Gérard Filoche du conseil national du Parti Socialiste. L’appel "Faire entendre les exigences citoyennes sur les retraites" vise, d’après le co-président d’Attac, Jean-Marie Harribey, à dénoncer le projet de réforme des retraites porté par le gouvernement. Celui-ci, pour résoudre la question du financement des retraites, prônerait l’allongement de la durée du travail, "soit en repoussant l’âge de départ légal au-delà de 60 ans, soit en allongeant la durée de cotisation". Refusant la "devise sarkozienne du ‘travailler plus’ ", il a appelé à briser un tabou en proposant une autre solution : augmenter les cotisations patronales en intervenant notamment sur la répartition des richesses entre le capital et le travail.

Créer un "nouveau 95"

C’est le sens de cet appel qui tire un "bilan catastrophique" de la série de réformes menées depuis 1993 qui auraient "fait baisser le niveau des pensions de 20%" et auraient aggravé les inégalités entre les pensions des hommes et des femmes. Cet appel souligne également la contradiction majeure qui consiste à faire travailler et cotiser les salariés plus longtemps, alors que d’une part, un chômage de masse persiste chez les plus jeunes, et que d’autre part, l’âge moyen de cessation d’activité est de 59 ans en moyenne. Pour la Fondation Copernic et Attac, une autre réforme des retraites est possible. Celle-ci passerait par une remise en cause de la répartition des richesses et la tendance qui a vu les dividendes des actionnaires passés de 3,2% du PIB en 1982 à 8,5% en 2007, alors que la masse salariale perdait 8 points du PIB sur la même période. L’alternative proposée est alors "d’augmenter la part des salaires et des pensions dans la richesse produite en s’attaquant aux profits".
 
Willy Pelletier, coordinateur général de la Fondation Copernic, s’est félicité de cet appel "où on retrouve toute la gauche", en référence aux 400 premiers signataires. On distingue parmi eux des hommes et des femmes politiques – Marie-George Buffet, Cécile Duflot, Clémentine Autain, Olivier Besancenot, Gérard Filoche, Noël Mamère, Jean-Luc Mélanchon, etc. – ainsi que des universitaires – l’économiste Jacques Généreux, l’historien Gérard Noiriel, les sociologues Loïc Wacquant, Luc Boltanski et Patrick Champagne, etc. M. Pelletier a également exprimé l’idée de créer un "nouveau 95", en référence aux intellectuels qui, alliés autour de Pierre Bourdieu, avaient soutenu les travailleurs en grève contre le Plan Juppé en 1995. Et il y avait aussi, ce matin, comme un petit air de la campagne de 2005 sur la Constitution européenne, où la Fondation Copernic et Attac s’étaient illustrées par l’organisation de meetings citoyens, avant de retomber dans un oubli médiatique pour cinq ans.

La CFDT absente ?


Pierre Khalfa, secrétaire national de Solidaires, a estimé pour sa part qu’il n’y a "pas de contradiction" entre cet appel et l’intersyndicale rassemblant les principaux syndicats pour la défense des retraites. Pour autant, l’absence de certaines confédérations syndicales, dont la CFDT, n’aura échappé à personne. Cette organisation avait soutenu la réforme Fillon des retraites en 2003, d’où découle le principe d’un allongement de la durée de cotisation. Les organisateurs de l’appel n’ont cependant pas voulu faire de commentaires sur cette question et se sont contentés de signaler que la signature de l’appel était toujours possible, via le site internet créé à cet effet. Willy Pelletier a ajouté qu’il ne fallait pas se concentrer sur les absents mais "voir qui est là" en estimant que cet appel dépasse le "clivage noniste/ouistes" du référendum sur la constitution européenne.

Cet appel se veut le début d’une vaste campagne, qui devrait être lancée début mai par un meeting national, et qui se poursuivra partout en France, par l’organisation de 200 meetings. Des comités locaux rassemblant associations, syndicats et organisations politiques devraient bientôt voir le jour. Le but de cette campagne, selon Jean-Marie Harribey, est de "porter le débat là où il n’est pas porté", dans la population et plus particulièrement chez les jeunes

 

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